Des interprètes sont sollicité·es dans près de 90 % des rencontres institutionnelles dans le cadre de l’instruction des demandes d’asile en France, et rendent possible l’évaluation de ces requêtes. Aussi le repérage et l’éventuelle sanction des erreurs et des fautes qu’ils et elles pourraient commettre touchent-ils directement à l’enjeu de justesse de l’instruction. Mais cette identification est particulièrement difficile du fait de la nature complexe de l’activité d’interprétation, et du fait que les interprètes disposent la plupart du temps du monopole de la compétence linguistique. L’article montre comment, dans ces conditions, sont définies, détectées et sanctionnées les erreurs et les fautes d’interprétation. L’articulation d’une analyse sociohistorique de l’activité des interprètes à l’Ofpra et d’une ethnographie des pratiques d’interprétation dans les rencontres institutionnelles met en lumière l’inflexion des prescriptions et des proscriptions afférentes au mandat traductif des interprètes dans l’administration de l’asile, au gré de la réforme néolibérale de cette dernière. Au travers d’une évaluation largement discrétionnaire par les agents instructeurs, ce sont principalement des erreurs et fautes linguistiques mineures quant à leur impact sur la décision relative à la demande d’asile qui sont identifiées. Signe de l’asymétrie entre les institutions de l’asile et leurs prestataires de services d’interprétation, l’enjeu de l’erreur et de la faute professionnelles participe dès lors de l’ambiguïté de la fonction d’acteurs non étatiques situés au plus près des procédures d’instruction. Plus largement, il interroge les politiques langagières à l’œuvre dans l’octroi ou le refus d’une protection.