L’histoire des sciences et l’analyse bibliométrique suggèrent que les sciences de la nature, les sciences de l’ingénieur et, dans une moindre mesure, les sciences médicales seraient entrées depuis une trentaine d’années dans un régime d’équilibre stationnaire. Le but de cet article est d’identifier l’une des causes possibles d’une telle situation, et de proposer une solution efficace pour y remédier. Cette cause pourrait en effet tenir au privilège conféré, depuis le début des années 1970 et surtout depuis le milieu des années 1990, à la communication sociale au détriment de la cognition individuelle ou collective. Quant à la solution efficace pour y remédier, elle consisterait à développer systématiquement dans certains domaines des collaborations de recherche entre le monde académique et les mondes non académiques. Pour le montrer, nous procédons en deux étapes. La première met en évidence l’existence de deux dilemmes liés en ce qui concerne la structure et l’évolution d’un réseau sociocognitif complexe d’acteurs individuels : le dilemme entre créativité globale du réseau et proximités individuelles des acteurs, et celui qui se pose à chacun de ces derniers, dans chaque état du réseau, entre communiquer et cogiter. La seconde étape résume rapidement l’évolution des sciences et des technologies occidentales vers une techno-science dont la créativité semble s’essouffler, puis montre que la généralisation de forums hybrides pourrait redonner un surcroît de vigueur à cette créativité aujourd’hui atone.