Identifié et circonscrit depuis le XIX e siècle aux monuments historiques et aux curiosités naturelles remarquables, le patrimoine n'a cessé de s'étendre jusqu'à enserrer aujourd'hui des paysages et des écosystèmes. Mais parallèlement, un autre changement majeur s'opère, à savoir l'intégration du patrimoine, d'abord reconnu pour ses vertus symboliques, à la sphère des échanges marchands. Or, si ce registre de justification de la conservation patrimoniale a pu être étudié dans le cadre du développement territorial, peu de travaux ont à ce jour porté sur les implications sociales et politiques d'une économisation du patrimoine naturel. En procédant à une revue de la littérature et en s'inspirant de diverses études de cas, l'objectif de ce regard croisé entre un géographe et une économiste est de proposer une réflexion sur les usages sociaux de cette monétarisation de l'environnement et sa participation à la « petite fabrique » du patrimoine naturel. Nous verrons ainsi comment l'évaluation économique, bien que vivement critiquée, est progressivement devenue un cadre normatif des politiques publiques et un opérateur stratégique des processus de patrimonialisation. Loin de rester circonscrit aux seuls pouvoirs publics, cet outil est désormais instrumentalisé, par une diversité d'acteurs, pour imposer, négocier ou co-construire des valeurs.