Bulletin des médecins suisses |Schweizerische Ärztezeitung |Bollettino dei medici svizzeri |2009;90: 44 1691 Guidelines:l'évidencec ommepierreangulaire * Depuis que l'homme existe, il abesoin des conseils de ses semblables -au début c'était les conseils des aînés, ceux qui avaient survécu dans la nature et semblaient particulièrement dignes de confiance [1].Avec la naissance du langage, la parole et plus tard l'écriture se sont avérés être un avantage significatif dans la bataille pour la survie -chacun pouvait dès lors profiter des expériences des autres [2]. Aujourd'hui encore, nos parents nous accompagnent à travers notre jeunesse, et par la suite nous sommes guidés par nos amis, nos professeursetnos modèles professionnels. En bref: les conseils des autres nous sont précieux.
Des impressions aux chiffresLa médecine, elle aussi, vit de conseils: à l'origine, les grands médecins relataient leurs expériences dans leur pratique clinique et dans leurs ouvrages. Contrairement à aujourd'hui, on transmettait alors ce que l'on avait appris par soi-même et ce qui nous avait été enseigné par nos professeurs [3];c'était la notoriété de l'auteur qui était convaincante -non pas les chiffres et les statistiques. Encore en 1837, la question de savoir si la médecine devait être considérée comme un art ou comme une science exacte opposait Risueno d'Amador et Pierre Charles Alexandre Louis à l'Académie Royale de Médecine fondée par Louis XVIII en 1820 à Paris [4].Les uns considéraient chaque patient comme unique et donc chaque traitement comme un acte créatif du médecin impliqué et rejetaient par consé-quent les données quantitatives sur les patients et les maladies. «L'homme moyen n'existe pas!», tel était leur crédo [5]. Pierre Charles Alexandre Louis, par contre, affirmait que nous ne pourrions apprendre qu'en chiffrant nos expériences, en déterminant leur valeur et leur importance et en décrivant leurs évolu-tions lors d'épidémies et de pandémies, ce qui a mené finalement à la médecine scientifique telle que nous la connaissons aujourd'hui [6].Les chiffres se sont imposés: ce sont aujourd'hui les résultats des grands essais qui dominent la méde-cine. Ce n'est plus le médecin isolé qui détermine ou essaie de diriger nos actions et nos décisions, mais bien plus des Guidelines Committees, Advisory Boards, Working Groups et des experts en tout genre. Une évo-lution qui peut, en principe, être saluée; nous savons que notre jugement -dans la mesure où il est basé sur l'expérience quotidienne -repère souvent trop rapidement des causes là où il n'y en a pas, attribue des processus spontanés à nos propres actions et exagère l'importance de cas isolés. Le biais -nos perceptions erronées, souvent inévitables au quotidien -voile la pensée clinique, voire même la rend superflue. C'est justement pour cette raison que les concepts pathophysiologiques et les résultats des essais aveugles et randomisés sont nécessaires comme base de la pratique médicale.En1948, Austin Bradford Hill, un épi-démiologiste anglais, a été le premier à utiliser u...