Le trachome est l'une des maladies infectieuses les plus anciennement connues. Les légendes et récits historiques s'entremêlent et laissent place à de multiples interprétations. Selon NATAF (1952), Job sur son tas de fumier, les yeux mi-clos et couverts de mouches, serait l'archétype du mendiant trachomateux anciennement répandu dans l'ensemble du Proche-Orient. La maladie a été décrite pour la première fois en Égypte, dans les papyrus d'Ebers vieux de 15 siècles avant J.-C., qui mentionnent une ophtalmie granuleuse avec des décharges mucopurulentes, un leucome et des cils déviés qui évoquent fortement le trachome. On a par ailleurs retrouvé dans une tombe datant de 1900 av. J.-C. des forceps servant à épiler les cils ainsi que des sels de cuivre, de zinc et du sulfate d'antimoine (MACCALLAN, 1936). La maladie a été nommée « trachome » par les Grecs, en raison de la rugosité de la conjonctive (« trachus » en grec signifie rugosité) qui en était la caractéristique (AL-RIFAL, 1988). Hippocrate décrit l'affection cinq siècles avant notre ère et la soigne avec du jus de raisin et de l'acétate de cuivre, brossant la conjonctive palpébrale avec un morceau de bois garni de laine de millet (HIPPOCRATE, traduction par E. Littré, 1839). Chez les Romains, Celse parle d'une conjonctivite granuleuse chronique, qu'il appelle « aspiritudo », très évocatrice du trachome. Ce même auteur fait pour la première fois la distinction entre le retournement de la paupière vers le dedans (entropion) et la pousse anarchique des cils, ou trichiasis. Il prescrit des collyres très complexes incluant des sels de plomb, de cuivre, de zinc et de fer, mélangés avec de multiples liquides corporels comme l'urine, la salive ou le méconium. Pedanius Dioscorides, 60 ans après J.-C., emploie le terme trachome dans son traité De Materia medica et conseille le traitement par l'acétate de cuivre. Le terme sera repris par Galien au siècle suivant avec les mêmes prescriptions. Histoire du trachome 1 Le trachome. Une maladie de la pauvreté 12 Les relations d'ophtalmies sont nombreuses chez les auteurs de l'Antiquité et il est très difficile d'en attribuer la cause à telle ou telle affection. On ne saura jamais si les suppurations oculaires de Paul de Tarse, qui attiraient les mouches, étaient trachomateuses. Paul d'Egine, qui vivait à Alexandrie au VII e siècle, propose une intervention chirurgicale pour le trichiasis consistant à étrangler la peau de la paupière dans la fente d'un morceau de roseau : cette intervention était encore pratiquée par les barbiers des campagnes égyptiennes au début du XX e siècle. DU MOYEN ÂGE AUX TEMPS MODERNES Entre le VIII e et le XIV e siècle, de nombreux traités d'ophtalmologie où l'on trouve mention du trachome furent rédigés par des médecins arabes vivant à Bagdad. Citons Honain Ibn Is'haq, Abù Yusuf Yaqub Ibn Ishaq, Al Kindi au IX e siècle et Issa ibn'Ali au X e. La distinction était alors faite entre la forme aiguë et chronique de la maladie, et la contagiosité était reconnue. Les ouvrages européens du Moyen Âge vont rec...