S'intéresser à la jeunesse et à la formation d'Arrien, avant qu'il ait connu la célébrité, représente, plus qu'une analyse d'un segment de sa vie et de son oeuvre, de son attachement à sa patrie Nicomédie, où il assuma son rôle de notable, et en général à sa Bithynie, une occasion de dépasser la dichotomie traditionnelle d'un Arrien placé entre Grèce et Rome. L'image qui se dégage est certes plus complexe et invite à revisiter la documentation littéraire et épigraphique, compte tenu du dynamisme culturel qui caractérise la province de Pont-Bithynie à l'époque impériale. Les fragments de son histoire locale, les Bithyniaques, qui inscrivent sa région dans le passé légendaire comme dans l'histoire globale, à l'aide de nombreuses allusions mythologiques et littéraires, montrent à quel point les référents hellénique et romain sont indissociables de son origine provinciale.Abstract-. Studying Arrian's youth and formation, before knowing the celebrity, represents, more than an analysis of a segment of his life and work, or of his attachment to his homeland Nicomedia, where he assumed his role of notable, and generally to his Bithynia, an opportunity to surpass the traditional dichotomy of an Arrian between Greece and Rome. The corresponding image is certainly more complex and asks to revisit the literary and epigraphic evidence, taking into account the cultural dynamism of the province of Pontus-Bithynia during the imperial period. The fragments of his local history, Bithyniaca, inscribing his region in the legendary past as well as in the global history, using therefore numberless mythological and literary allusions, shows to what extent the Hellenic and Roman identities are inseparable of his provincial origin. Cet article consacré à la jeunesse d'Arrien1 avant qu'il ait connu la célébrité, d'où le titre « Arrien avant Arrien », essaiera, même s'il s'agit d'un segment d'une longue vie (ca. 85/90-après 161 ap. J.-C.), de dépasser la dichotomie désormais traditionnelle, d'un personnage placé entre deux mondes, Grèce et Rome, tel qu'il apparaît chez de nombreux auteurs2, alors que la réalité se révèle bien plus complexe3. Connu comme « Arrien le philosophe » par ses contemporains, mais qualifié d'« historien » par les Modernes, qui ne cessent d'exploiter et d'analyser son Anabase d'Alexandre,(1) Les traductions du résume des Bithyniaques d'Arrien dans la Bibliothèque de Photius sont celles de R. Henry, modifiées ; sauf mention contraire, les numéros des fragments des Bithyniaques sont ceux de l'édition de Roos, suivis parfois des références à l'édition de F. Jacoby (= J.). Nous remercions vivement Konrad Stauner, qui nous a fait parvenir l'article récent sur les Flavii Vlpii de Nicomédie, ainsi qu'Antony Hostein, pour ses suggestions toujours utiles.(2) Entre autres,