En Turquie, en mai-juin 2013, le mouvement de contestation du « parc de Gezi » réunit au plus fort de la mobilisation des centaines de milliers de personnes à Istanbul et se répand à travers toute la Turquie. Il commence par l'opposition d'un petit nombre de militant•e•s écologistes et des luttes urbaines 1 au déracinement d'arbres dans le parc de Gezi, prélude à la reconstruction de casernes ottomanes et à la réalisation du projet de piétonisation de la place Taksim attenante au parc. Puis converge vers la place et le parc une large foule, venue s'opposer à « l'attitude autoritaire du Premier ministre » (à l'époque Tayyip Erdoğan, devenu par la suite Président de la République de Turquie), à l'usage de la « force disproportionnée par la police envers les manifestants », et à la « violation de leurs droits démocratiques » 2 (Bılgıç et Kafkaslı, 2013 : 8). Le parc devient un lieu de rassemblement et de convergence de causes indépendantes les unes des autres-parmi lesquelles une meilleure considération des citoyen•ne•s alévi•e•s (groupe confessionnel hétérodoxe dont certains éléments de culte sont d'origine chiite et préislamique), l'indemnisation des personnes subissant les projets de transformation urbaine, la reconnaissance de la communauté LGBTQ+, la fin du contrôle du corps des femmes et de la pression sur les artistes et les universitaires (Massicard, 2013)-qui témoignent d'une opposition à la politique du Parti de la Justice et du Développement (Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP). L'occupation de la place Taksim et du parc de Gezi dure 11 jours, avant que les manifestant•e•s ne soient violemment évacué•e•s par la police. Au total, huit personnes sont mortes et des milliers ont été blessées lors des affrontements. Le parc de Gezi n'a certes pas été détruit, mais les revendications n'ont pas abouti. 2 Cette répression confirme le « tournant autoritaire » (Esen et Gümüşçü, 2016 : 5) amorcé dans ces années 2010, faisant suite à une période d'ouverture démocratique depuis l'arrivée au pouvoir en 2002 de l'AKP et de son chef de file Tayyip Erdoğan 3 qui fait « figure de parenthèse dans l'histoire politique turque » (Doronsorro, 2017 : 12). En Résister en situation autoritaire : le cas des collectifs militants d'après-G... Carnets de géographes, 12 | 2019 Résister en situation autoritaire : le cas des collectifs militants d'après-G... Carnets de géographes, 12 | 2019 Qui sont les militant•e•s des collectifs ? 9 Dans les années 2010, de grandes villes ont été le théâtre d'événements contestant le système néolibéral comme à Madrid, New-York, Athènes, ou critiquant les régimes en Résister en situation autoritaire : le cas des collectifs militants d'après-G...