Cet article montre, à partir du cas des abeilles domestiques et du travail apicole et agricole, comment des êtres vivants participent à façonner des temporalités nocturnes. La nuit, du fait de l’absence de luminosité, les abeilles se rassemblent à l’intérieur de leur ruche et ne butinent plus. Ce comportement, issu de l’expérience que les abeilles ont des heures nocturnes, est mis à profit dans un ensemble de pratiques : d’une part, par les apiculteurs dans la réalisation de la transhumance des abeilles, un travail de nuit exigeant lors duquel ces professionnels doivent se coordonner avec la temporalité nocturne de leurs abeilles ; d’autre part, par les agriculteurs dans l’utilisation des pesticides, encadrée juridiquement à partir d’une qualification de la nuit chez l’abeille. Au gré des contextes et de ces différentes pratiques relationnelles avec l’abeille, la nuit apparaît comme un moment vécu de multiples manières. C’est à partir d’un terrain ethnographique en vallée du Rhône (en Drôme, de 2019 à 2020) au côté d’apiculteurs et d’agriculteurs que l’article observe les manières avec lesquelles des acteurs mettent en œuvre et négocient, plus ou moins conflictuellement, leurs pratiques avec ce qui fait nuit chez les abeilles. L’article invite à s’intéresser et à décrire les pratiques agricoles à partir des nombreuses temporalités nocturnes multispécifiques qui les marquent.