La problématique de l'effondrement des populations d'abeilles dans le monde ne se pose pas en des termes similaires dans les zones tempérées et dans les zones semiarides et arides. Dans ces dernières, l'effondrement est chronique et dû à des régimes de précipitations annuelles très variables qui imposent des fluctuations du niveau des populations d'abeilles. Dans ces conditions, la continuité du rapport homme-abeille ne repose pas tant sur la stabilité de la population ou du stock de pollen et nectar disponible que sur la permanence de la relation, tant pratique que symbolique 1. Une telle distinction de contextes apicoles invite à préciser le régime de relation qui permet sa permanence en dehors de toute stabilité démographique d'un des acteurs de la relation, l'abeille. La question de la domestication des abeilles ne cesse de faire débat depuis des décennies, chez les anthropologues, historiens et archéozoologues notamment, pour faire la part entre l'imaginaire du sens commun, suscité de manière universelle par la « sociabilité » remarquable de ces populations d'insectes, et l'impact des pratiques concrètes des apiculteurs sur ces dernières. Car une question dérange sans cesse du point de vue de la formulation : comment parler de domestication de l'abeille alors que celle-ci vit déjà en société et que son passage à « l'état » domestique ne change en rien son organisation sociale ? Même si la langue française retient la connotation végétale du verbe « cultiver » pour qualifier le champ d'activité lié à l'exploitation des abeilles, ou celui d'« élever » pour désigner l'activité de sélection des reines, certains auteurs imputent à juste titre à ces appellations des points de vue culturels qui ne témoignent pas de la réalité du rapport technique au monde des abeilles, mais des représentations que l'on s'en fait (Marchenay, 1993 ; Tétart 2001).
Resumé Présente dans la majeure partie du monde, l’apiculture repose sur des savoirs, des objets et des cultures techniques fortement diversifiés. Sa pratique résulte tout à la fois d’un apprentissage par expérience, de lectures d’ouvrages savants et d’enseignements académiques. Ces enseignements sont érigés sur les bases de recherches scientifiques et d’un savoir technique formalisé portant notamment sur la biologie de l’abeille. Aujourd’hui, ce savoir formalisé et homogénéisé est diffusé dans des espaces où d’autres savoirs, éprouvés par le temps long, sont encore présents. C’est le cas du Maroc, où se côtoient et s’hybrident souvent, savoirs formels et expérience locale. Cet article se propose d’étudier les conséquences de cette rencontre sur les lieux d’apprentissage, les réseaux socioprofessionnels et les enseignements dispensés sous l’égide des institutions agricoles et entre pairs (associations spécialisées et apiculteurs renommés). La perspective de la recherche est l’analyse d’un processus d’hybridation et de ses effets sur la transmission des savoirs dans un contexte de circulation élargie des savoirs.
scite is a Brooklyn-based organization that helps researchers better discover and understand research articles through Smart Citations–citations that display the context of the citation and describe whether the article provides supporting or contrasting evidence. scite is used by students and researchers from around the world and is funded in part by the National Science Foundation and the National Institute on Drug Abuse of the National Institutes of Health.