Temps et événement L'intitulé de ce colloque évoque immédiatement pour moi le grand livre de Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II 1 , dans lequel il nous livre un modèle de ce maniement du temps dont il revendiquait la maîtrise comme spécificité de la discipline historique. Dans ce grand livre, il écrit : « dans l'explication historique telle que je la vois, à mes risques et périls, c'est toujours le temps long qui finit par l'emporter » 2. Son temps long est celui de « la tendance » au sens de Marx ; il porte une vision épocale du temps. Pour lui, c'est « l'époque », celle de Philippe II, comme il y eut « le siècle de Périclès », « le siècle des Lumières » ou « le siècle de Louis XIV ». Toutefois, Braudel, poussant son raisonnement, s'interroge : « ne pourrait-on dire d'une tendance séculaire qu'elle est "événement" ? » 3 Encore faut-il s'entendre sur la signification du mot événement. Braudel prend « événement » au sens de « faits notables de l'histoire traditionnelle » 4. Ce temps lui permet de dégager des invariants qui donnent un aspect immobile aux grands ensembles que sont les civilisations étudiées. Mais surtout, il lui permet de prendre de la distance, d'être « de loin », dirait Lévi-Strauss. En effet, dans ce découpage braudelien du temps, l'événement occupe une place secondaire, sans doute parce qu'il serait le temps de la politique. Braudel l'énonce clairement : « refuser les événements et le temps des événements, c'était se mettre en marge, à l'abri, pour les regarder d'un peu loin, les mieux juger et ne point trop y croire » 5. Il théorise sur la continuité car il n'est pas de civilisation sans continuité. La politique relevant du temps court, de l'événementiel, sera mineure par rapport à ces grands substrats. Cependant, il n'est pas de politique sans événement, sans l'irruption d'une nouveauté qui ouvre à une autre histoire. Contrairement à Braudel, et toujours à partir d'études relatives au bassin méditerranéen, mais concernant d'autres temps, Moses Finley nous convie à penser la D'une guerre à l'autre en Méditerranée. D'un possible à l'autre ?