Pour répondre aux enjeux d’efficacité et de qualité de fabrication, la forte automatisation et l’intégration de données qui caractérisent l’industrie 4.0 permettent de produire des séries personnalisées aux coûts de la production de masse, ce qui engendre la création de situations de travail dynamiques et complexes. Dans les industries « de flux » telles que celle de la microélectronique, le travail humain, bien réel, devient moins visible puisqu’il n’intervient qu’en cas d’interruption du flux ou de process . Mais quelles conséquences a exactement cette automatisation poussée à son maximum, sur le travail et les compétences requises pour les opérateurs ? Cet article s’appuie sur l’étude d’un cas industriel, où la quête de haute performance et les seuils successifs d’automatisation conduisent à intensifier la surveillance des anomalies. Le cadre théorique choisi est celui du travail invisible et de son expérience triple (Gomez, 2013), qui permet de lever le voile sur une mutation du travail peu prise en compte par l’organisation officielle. À partir d’une observation directe et d’entretiens semi directifs, cette recherche révèle que l’expérience du travail est d’abord marquée par une hypertrophie de la dimension objective, en décalage avec de nombreuses présentations flatteuses des usines 4.0. Elle est également caractérisée par une dimension collective, non formalisée mais nécessaire, basée sur de nombreuses interactions. Elle est enfin l’occasion d’une expérience subjective, où se concentrent et s’arbitrent de nombreuses tensions. Ainsi, le travail « 4.0 », bien que plus automatisé, se révèle plus humain que prévu.