L’organisation scientifique du travail, appliquée initialement dans l’industrie, s’est progressivement déclinée dans les services. Dans ces espaces, le contrôle du travail s’étend à l’appréciation du comportement du salarié, en référence à des expressions d’émotions prescrites par le management. Les centres d’appels constituent une illustration privilégiée : les téléconseillers sont tenus de respecter des normes organisationnelles leur dictant l’expression d’émotions à manifester lors des échanges avec les clients. Toutefois, pendant les conversations, les téléconseillers n’arrivent pas toujours à cacher leurs vraies émotions et émettent alors un comportement non conforme aux attentes du management.Cet échec du contrôle des émotions du téléconseiller constitue un fort enjeu pour les entreprises concernées parce qu’il risque de réduire la satisfaction des clients, voire d’entraîner des pertes de clientèle. En se fondant sur le cadre théorique du travail émotionnel, la présente étude a pour finalité de cerner les principales causes des comportements adéquats ou déviants des téléconseillers lors des conversations téléphoniques.Cette contribution recèle une triple originalité. Elle constitue la première étude à appréhender les antécédents de l’expression d’émotions dans le contexte spécifique des centres d’appels. Elle privilégie une méthodologie d’observation in situ des émotions recueillies à travers une grille de codage évaluant le degré de déviance à l’émotion prescrite lors de 347 conversations. Elle introduit dans le raisonnement l’influence de la structure sociale pour enrichir l’analyse de l’impact négatif de certaines variables sur l’expression d’émotions des téléconseillers.Cet article montre que ce sont principalement les situations d’interaction (charge de travail, heure de l’appel) ainsi que les règles établies par l’encadrement (durée de l’appel, absence de retrait à la suite d’un appel difficile, faible latitude dans la réponse) qui favorisent les comportements dysfonctionnels. Toutefois, les téléconseillers percevant une forte tolérance de l’employeur à la déviance des règles prescrites, ils renforcent leur expression d’émotions de représailles.The scientific organization of work, initially applied to the industrial sector, has gradually spread to the service sector. In these workplaces, the control of labour extends to the assessment of the employee’s behaviour that is based on the expression of emotions as prescribed by management. Call centres are a prime example: call centre workers are required to respect organizational rules that dictate the emotions they must express during interactions with customers. However, during these interactions, call centre workers do not always manage to hide their own true emotions and so they behave in a way that does not conform to management’s expectations.This failure to control call centre workers’ emotions is a major issue for the companies involved since it can lead to a reduction in customer satisfaction or even the loss of customers. Using a theoretical fram...