Ces dernières années, le renouvellement des recherches en sciences sociales sur les armées a octroyé une place de choix à l'étude de la « fabrique des militaires ». De fait, c'est sur l'institution militaire comme instance socialisatrice et sur les expériences des militaires au sein de l'institution que l'attention s'est principalement portée, laissant peu explorée la question des conditions de possibilité de l'engagement. Cet article entend déplacer le regard sur les ressorts de l'engagement, en mettant en lumière les spécificités de l'engagement des engagés volontaires. Ceux-ci constituent, au sein de l'institution militaire, la frange des personnels les moins gradés et aussi, très souvent, les moins dotés sur le plan social, scolaire ou culturel. L'article met l'accent sur leur disposition à « s'en remettre » à l'institution militaire, entendue comme une propension à accepter les règles de l’institution, dont la soumission à l’ordre hiérarchique, ainsi qu’à s’approprier ses catégories de perception, de jugement et d’action. En présentant les portraits sociologiques de quatre engagés, l'auteure dévoile comment les dispositions intériorisées dans les socialisations antérieures à l'engagement et les premiers pas dans l'institution modèlent les conceptions de l'engagement ainsi que les expériences militaires. De cette manière, elle met au jour la diversité des degrés et des modalités d'adhésion aux logiques institutionnelles. Enfin, contre la représentation d'une institution rigide, elle montre que l'institution militaire intègre ces différentes formes d’engagement, qui participent ensuite à la façonner.