Sous l'impulsion de larges programmes internationaux ciblant spécifiquement la survie néonatale, un ensemble de pratiques de soins recommandées sont promues en Afrique de l'Ouest. À partir des données d'une étude anthropologique multicentrique, nous proposons d'interroger comment les pratiques locales intègrent les recommandations diffusées par ces programmes. Méthode : Les enquêtes ont été réalisées dans des localités rurales de cinq pays : Bénin, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Togo. Sur chaque site, les investigations ont combiné une ethnographie des soins aux nouveau-nés et des entretiens approfondis dans les maternités et aux domiciles. Résultats : Les soins aux nouveau-nés s'accordent à un ensemble de représentations et de logiques sociales locales, les recommandations médicales étant intégrées de manière hétérogène. Dans les maternités, les professionnels de santé rencontrent des difficultés à mettre en oeuvre les pratiques recommandées, et opèrent diverses conciliations face aux contraintes matérielles et sociales locales. Du côté des familles, les « messages » promouvant les soins favorables à la survie des nouveau-nés ponctuent les propos, mais donnent lieu à diverses interprétations et à de variables modifications des soins. Discussion : L'irrégulière intégration des recommandations médicales dans les soins aux nouveau-nés est analysée autour de trois axes : les divergences d'intentionnalités autour de la naissance et de l'accueil du nouveau-né, les dissonances entre les soins préconisés et les conceptions locales du nouveau-né, l'influence des relations de pouvoir intrafamiliales. Considérant la complexité des changements en matière de soins néonataux, nous plaidons en faveur d'une mise en oeuvre des programmes respectueuse à la fois des cultures d'accueil du nouveau-né, et des compétences des professionnels de santé à concilier des contraintes contradictoires.