Cet article analyse deux éléments clés de la situation politique dans la Russie contemporaine – l’eurasisme et le patriotisme – en les replaçant dans deux histoires parallèles. D’abord, l’histoire territoriale d’un espace sur lequel les populations slaves orthodoxes et turciques musulmanes cohabitent depuis l’apparition d’un embryon d’État. La prise en compte de la diversité ethnique et confessionnelle de la Russie permet de comprendre la diffusion d’une pensée eurasiste comme point de cohérence et la force de l’élan patriotique comme instrument d’unité. Ensuite, l’histoire des rapports entre la Russie et l’Occident, marquée de fascination et d’incompréhensions, et qui révèle la singularité de l’adaptation russe à la modernité. Ces deux éléments sont ensuite combinés autour de la question centrale de l’évolution du fédéralisme en Russie. La restauration par Poutine d’une pyramide des patriotismes (combinée à celle des allégeances) a marqué le début d’une libéralisation politique dans les régions (et notamment dans les républiques nationales de Russie). Que cette évolution « démocratique » atteigne désormais Moscou montre l’intérêt d’une étude du rapport centre-périphérie pour appréhender l’avenir du régime politique russe et la pérennité d’une « démocratie à la russe ».