Chaque numéro publié d’une revue scientifique vient clore plusieurs rondes de tractations qui débutent au sein du comité de rédaction, se déplacent ensuite autour de ceux qui ont accepté de participer au numéro et se ramifient et se prolongent durant les évaluations et les révisions des manuscrits qui seront finalement publiés. Les directeurs successifs sont contraints de balancer la part relative des articles de réflexion et des articles d’investigation, la proportion relative des enquêtes empiriques qui procèdent par vérification d’hypothèses et celle des investigations ouvertes et exploratoires. En se basant sur l’ensemble des articles publiés dans la revue Criminologie de 1968 à 2016 (n = 658), cette étude s’intéresse à l’effet des différentes stratégies éditoriales mises en place sur la part relative qui sera accordée à la recherche empirique quantitative dans le discours criminologique. Les analyses montrent que les directeurs, par l’intermédiaire des comités de rédaction, peuvent agir sur l’offre par des innovations éditoriales (introduction de numéros thématiques, publication semestrielle, ouverture aux publications hors thèmes, diversification de la provenance des auteurs), mais aussi contrôler cette offre par une hausse des standards (uniformité de la taille des articles, complexité des analyses) et par une sollicitation active d’articles innovateurs. Ces innovations éditoriales ont diversifié le discours scientifique de la revue et ont assuré, au final, la survie de la revue durant un demi-siècle.