En France, la loi protège les salarié·es de toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Le droit antidiscriminatoire s’applique également aux agent·es publics. Pourtant, en nous appuyant sur une enquête par entretiens auprès de différent·es acteur·rices de l’éducation lesbiennes, gais et bisexuel·les (LGB), nous constatons que cette protection juridique ne les prémunit pas d’un travail de réflexivité et d’anticipation de la gestion de leur orientation sexuelle dans leur sphère professionnelle. Si la prégnance de l’hétéronormativité n’est pas propre aux professionnel·les de l’éducation comparée à d’autres métiers, certains mécanismes sont spécifiques à ce corps professionnel. Historiquement marquée par la norme d’intérêt général, de neutralité et d’égalité de traitement, la figure du fonctionnaire sert idéologiquement à justifier la demande d’invisibilité des orientations non hétérosexuelles au sein des services publics. En tant qu’employé·es de l’État, la dissimulation de l’orientation non hétérosexuelle semble plus appropriée au rôle attendu d’iels. Mais en tant qu’agent·es de l’État, il leur est demandé et de plus en plus depuis plusieurs années, d’intégrer à leur mission éducative la défense de la diversité sexuelle et de genre auprès des élèves, ce qui vient heurter la posture d’invisibilité qui semblait dominer jusque-là. Cette injonction contradictoire positionne les personnels de l’éducation LGB dans un entre-deux et fait irrémédiablement place à des modes de conciliation « bricolés » et une incertitude quant à la légitimité de leur posture. L’ambivalence interroge tout à la fois le rôle de protection de l’État vis-à-vis d’un groupe d’agent·es publics ainsi que l’efficacité d’une transmission par l’école de conceptions égalitaires concernant le genre et la sexualité.