Les typifications d'autrui comme les typifications de soi, c'est-à-dire les attributions de traits identitaires simples et génériques, sont liées à des interactions et se décident ainsi toujours dans le présent 1 . Cette attribution sert à décrire une situation ; elle établit des repères cognitifs pour agir 2 . Je me soucie de la moralité générale des Turcs, quand je suis en contact avec un Turc que je ne connais pas et qu'il me faut néanmoins mettre en place un cadre minimal pour débuter l'interaction. Je recours alors à un savoir préalable et partagé sur les Turcs. Ce qui détermine ce recours n'est pas le savoir en lui-même mais les circonstances de l'interaction qui possèdent leur propre histoire. Dans une perspective interactionniste et ethnométhodologique, ce savoir ne conduit donc pas le cours de l'interaction qui est remis à l'activité propre des interactants. En ce sens, les typifications possèdent une histoire sociale -celle qui les rend disponibles et crédibles, à un moment donné -distinctes des multiples histoires de leur usage. On peut s'intéresser à l'une ou à l'autre mais il est imprudent de s'aventurer à faire une histoire de leur usage déduite de l'histoire de leur formation. Les croyances et les représentations ne sont pas nécessairement les programmes des actions 3 mais elles ne s'opposent pas pour autant aux pratiques, puisqu'elles sont elles-mêmes le produit et l'objet de pratiques : les pratiques discursives. Cette déconnexion entre les formes de pratiques explique que les typifications s'avèrent toujours inappropriées à décrire les êtres typifies ; en même temps, leur insertion dans la trame historique des sociétés comme leur substantialisation continue dans le cours des échanges verbaux et des débats HERMÈS 30, 2001