L'agronomie se distingue des autres sciences finalisées par la constance et la profondeur de ses interrogations sur l'histoire. Pour autant, le dialogue entre agronomes et historiens a tardé à s'instaurer. Mais depuis l'entrée dans la crise générale du rapport science-société dans les dernières années du 20 e siècle, un dialogue s'est installé, qui permet aujourd'hui de penser et de partager une épistémologie historique de la discipline agronomique, susceptible de donner à ses praticiens une réflexivité et une acuité plus grandes pour affronter les défis de la crise systémique à laquelle nous sommes confrontés. Cet article est fondé sur une mise en perspective historique longue, remontant aux origines de la scientifisation de la méthode agronomique, et questionnant les paradigmes successifs à travers lesquels la discipline s'est affirmée. Il conclut sur la nécessité pour l'agronomie, dans la diversité de ses expressions et des espaces où elle se confronte aux enjeux du temps présent, de ne pas renoncer à son ambition de trouver un point d'équilibre entre rigueur scientifique et pertinence sociale et environnementale, face aux nouveaux défis que représentent la révolution numérique ou l'affirmation de propositions épistémologiques et axiologiques de rupture. À travers l'histoire de l'agronomie, c'est de fait la question de la scientificité et de la réflexivité du rapport ingénierique au vivant qui est posée.Mots-clés : histoire de l'agronomie ; épistémologie historique ; loi du minimum ; agronomie système ; recherche finalisée ; crise environnementale
Summary : For a historical epistemology of French agronomyAgronomy is distinguished from other finalised sciences by the constancy and depth of its interrogations on history. Even if the dialogue between agronomists and historians was late in coming. It was only after the general crisis in the relationship between science and society in the last years of the 20th century that a dialogue was established. Today, it allows us to think about and share a historical epistemology of the discipline of agronomy, which is likely to give its practitioners a greater reflexivity and acuity to face the challenges of the systemic crisis with which we are confronted. Based on a long historical perspective, going back to the origins of the scientification of the agronomic method, and questioning the successive paradigms through which the discipline has asserted itself, this article concludes on the need for agronomy, in the diversity of its expressions and the spaces in which it is confronted with the issues of the present time, not to abandon its ambition to find a balance between scientific rigour and social and environmental relevance, despite the new challenges posed by the digital revolution and the affirmation of epistemological and axiological breakthrough proposals. Through the history of agronomy, the question of the scientificity and reflexivity of the engineering relationship with the living is raised.