Introduction1. À Bruxelles, la question de l'expérience religieuse pentecôtiste est fortement liée à celle de la migration [Maskens, 2008[Maskens, , 2010Fancello, 2010;Demart, 2008]. Cet entremêlement d'expérience peut être mis en perspective à partir de l'analyse des récits de migration des pasteurs pentecôtistes, qui offre un site particulièrement pertinent pour questionner les tensions entre des positionnements identitaires endogènes (missionnaires élus par Dieu) et exogènes (assignation répétée à l'altérité et à l'étrangeté, stigmates associés aux figures péjoratives du "migrant").2. La manière dont les pasteurs -en tant que leader religieux incarnant des modèles vivants pour leurs fidèles -donnent de nouveaux contenus à des évènements passés et notamment, en ce qui nous concerne, la manière dont ils accordent à l'événement migratoire un sens présent affectent l'entièreté du système religieux et donne à leurs Églises une importance particulière. C'est le discours de ces spécialis-tes religieux qui est retenu ici, catégorie d'acteurs à laquelle on reconnaît dans le monde évangélique une certaine capacité à redéfinir les contenus de l'expérience en termes religieux. En ce sens, les récits autobiographiques des pasteurs sont très sophistiqués et plus détaillés que ceux des membres ordinaires de l'assemblée. Susan Friend Harding observe la circulation spécifique du langage religieux, ce processus de « speaking in believing » : « Preachers convert the ancient recorded speech of the Bible once again into spoken language, translating it into local theological and cultural idioms and placing present events inside the sequence of Biblical stories. Church people, in their turn, borrow, customize, and reproduce the Bible-based speech of their preachers and other leaders in their daily life » [2000: 12].3. Depuis une trentaine d'années, des Églises pentecôtistes 1 portées par des communautés migrantes ou issues de mouvements migratoires ont fait leur apparition dans la capitale européenne. Elles connaissent aujourd'hui un essor non négligeable sur la scène religieuse belge. Comme j'ai déjà pu le développer dans un article antérieur [Maskens, 2008], l'implantation et le succès grandissants de ces assemblées vont de pair avec l'intensification des flux migratoires de ces trois dernières décennies en provenance d'Afrique subsaharienne et d'Amérique latine. Ces flux de migrations n'ont pas été organisés de manière systé-matique par les États concernés et l'année 1974 marque l'arrêt officiel de l'immigration contingentée en Belgique. Plusieurs fidèles sont en situation d'illégalité sur le territoire belge -ou l'ont été dans le passé -et la quasi-totalité d'entre eux -ou leurs ascendants -ont vécu une expérience migratoire. Ces problématiques occupent donc une place importante au coeur du dispositif religieux pentecôtiste.4. L'articulation entre pentecôtisme et phénomène migratoire constitue le point de départ de ma réflexion. L'imbrication de ces deux phé-nomènes n'est pas caractéristique du pentecôtisme porté par des commun...