Le Gilet et le Marteau. L’Assemblée des assemblées organise l’aile gauche des ronds-points

Abstract

Le Gilet et le Marteau. L'Assemblée des assemblées organise l'aile gauche des ronds-points L'« Assemblée des assemblées » a réussi à coordonner des centaines de groupes de Gilets jaunes, selon une logique de démocratie directe : l'élection, par des assemblées locales, de délégués qui se réunissent pendant deux ou trois jours pour dresser le bilan et les perspectives de la mobilisation. Dans un mouvement hostile aux syndicats, aux porte-paroles et souvent à toute représentation politique, il s'agit d'une initiative à contre-courant, dont l'affluence -des centaines de participants de toutes les régions de France -témoigne d'un certain succès. Certes, l'« Ada » ne reflète pas toutes les composantes du mouvement et reste à de nombreux égards l'expression d'une aile gauche militante. Mais elle est loin de se réduire à ce portrait commode. Elle est pour l'instant la seule à faire exister, parallèlement aux figures médiatiques, une force collective autonome et durable des Gilets jaunes à une échelle nationale. Elle a attiré vers des idées contestant le capitalisme une minorité de Gilets jaunes n'ayant jamais manifesté auparavant.A Commercy en janvier, à Saint-Nazaire en avril et à Montceau-les-Mines en juin 2019, les questions fondamentales du mouvement ont fait surface. Les Gilets jaunes ont rappelé leurs revendications : hausses de salaire, suppression des taxes sur les produits de première nécessité, référendum d'initiative citoyenne. Ils ont exploré les voies d'un anticapitalisme concret, antiraciste et féministe, qui ne fasse pas fuir ceux qui ne s'y retrouvent pas. L'attitude distante vis-à-vis des syndicats, mais aussi des personnalités comme Éric Drouet, Priscilla Ludosky, Maxime Nicolle ou Jérôme Rodrigues, a été débattue. Par trois fois, les « Adas » ont donc représenté une caisse de résonance aux projets des Gilets jaunes. Mais le cadre relativement classique de ces coordinations nationales, comparables à celles des mouvements étudiants, rendait difficile l'inclusion de nombreux ronds-points : les groupes plus hétérogènes, plus à droite, moins diplômés, sans présence militante ou sans assemblées générales, étaient moins représentés. Mais au fil des assemblées, loin de se réduire, la capacité d'attraction de nouveaux Gilets jaunes, moins militants, s'est renforcée.Ici, nous présenterons successivement les trois premières assemblées, auxquelles les huit auteur.e.s de l'article ont participé, avec des statuts divers, d'observateurs à participants. Quatre d'entre nous se sont rendus à Commercy, l'une est allée à St Nazaire, quatre autres étaient à Montceau-les-Mines, à chaque fois avec un accès aux documents préparatoires, aux assemblées plénières et aux ateliers. A Montceau-les-Mines, nous étions chargés de la prise de note des plénières, de l'écriture d'un compte rendu à envoyer à l'ensemble des délégations et nous avons pu faire circuler un questionnaire à 195 Gilets jaunes -distribué aussi à 38 délégués de Commercy et quelques-uns de Saint-Nazaire -qui permet de mieux comprendre les revendications, les milieu...

Yellow Vests: Anti-austerity, pro-democracy, and popular (not populist)

“…The direct democracy of the movement, in which participants not only communicated and shared messages but also made decisions and undertook direct action in real time, happened primarily at hundreds of occupied roundabouts and other public sites, as participants formed assemblies and committees on the ground. Many analysts have explored various aspects of the Yellow Vests' democratic mobilizations around the roundabouts (Monod, 2019;Zancarini-Fournel, 2019;Ravelli, 2020;Devellennes, 2021). Far from being without any organized form, the movement of yellow vests enacted many flexible and community-based democratic devices: classic general assemblies, voting, more or less regular meetings, informal and horizontal deliberative practices.…”

“…Some individuals in the movement have supported anti-immigrant narratives, though xenophobia does not characterize the large majority of the movement (Higgins, 2018;Challier, 2019). For its scope and diversity, the movement has often eluded categorization and elicited competing and sometimes contradictory interpretations (Kouvélakis, 2019;Ravelli, 2020). Yet analysts agree that the Yellow Vests are one of France's largest and most sustained protest movements in decades.…”

Control or participate? The Yellow Vests’ democratic aspirations through mixed methods analysis

“…First-time protesters with a remote relationship to politics rubbed shoulders with experienced activists, often with a leftleaning background (Collectif d'enquête sur les Gilets Jaunes, 2019; Reungoat et al, 2020). Consequently, we hypothesize that experienced activists are more likely to support participatory and deliberative mechanisms, since they are used to -and keen ontaking part in complex, cognitively-demanding and time-consuming collective mobilizations involving debates and compromises (Ravelli et al, 2020). Conversely, firsttime protesters are less acquainted with the workings of public life, have a distant history with politics (Reungoat et al, 2020) and little experience of political participation.…”

“…Some analyzed this demand as the promotion of a permanent direct democracy which would replace traditional forms of political representation (Marlière, 2019;Rouban, 2019). Taking the complete opposite view, others saw in its horizontal organization and citizens' assemblies the seeds of a 'municipalist' vision of politics based on local self-government (Jeanpierre, 2019;Ravelli et al, 2020). Ultimately, others have tried to reconcile the two competing perspectives, arguing that the YV actually do not demand the abolition of traditional political representation but its reorganization around three principles: control over representatives, attentiveness to citizens' claims, and proximity of elected representatives .…”

La « violence » des Gilets jaunes : quand la fait-diversification fait diversion.

“…), mais aussi contre les forces de l'ordre et parfois contre des journalistes. Ce cadrage, qui s'est imposé au fil des semaines, peine à rendre compte d'autres aspects aussi structurants que flagrants, mis en évidence notamment par de nombreux chercheurs (Collectif d'enquête sur les Gilets jaunes, 2019 ;Bendali., Challier, Della Sudda et al, 2019 ;Ravelli, Bendali, Bonin et al, 2020 ;Souillard, Sebbah, et al, 2020) 2 . D'une part, il a longtemps conduit à minimiser (et à légitimer) la violence physique des forces de l'ordre contre les manifestants.…”