Dans leur ouvrage controversé sur le « négationnisme économique », Cahuc et Zylberberg s’appuient sur trois arguments : l’économie serait devenue une science expérimentale ; cela provoquerait une véritable rupture épistémologique, laquelle permettrait une plus grande proximité avec les faits. Si le constat est tout à fait excessif, puisque la très large majorité des travaux actuels ne relèvent ni de l’expérimentation aléatoire, ni des expériences naturelles ou de laboratoire, cet article examine le bien-fondé des deux derniers arguments. Nous démontrons que les méthodes expérimentales s’inscrivent pleinement dans l’épistémologie dominante. Il n’y aurait donc pas de rupture mais un simple approfondissement. Nous montrons également que les protocoles expérimentaux ne sont pas dénués de théorie ou de défauts techniques propres (les données doivent toujours être construites et interprétées et la « méthode expérimentale » ne change rien à cela). Enfin, nous nous interrogeons sur la place des faits dans la recherche actuelle. Ils inspireraient les nouvelles théories en ce qu’ils signaleraient des déviations empiriques dont il faut rendre compte. Nous aurions là le signe d’un moindre renouvellement, les programmes de recherche tendant au renforcement de leur « noyau dur » par la mise en compatibilité des théories secondaires avec les résultats empiriques. Classification JEL : B41, C90.