Les motifs d’utilisation ou non des services en santé sexuelle chez les jeunes en situation de rue1

Abstract

Cet article vise à documenter les motifs d’utilisation ou non des services en santé sexuelle chez les jeunes en situation de rue. Trente-trois jeunes en situation de rue (18 à 25 ans) ont été rencontrés en entrevue individuelle. L’analyse qualitative montre que les jeunes utilisent, de façon ciblée, les services biomédicaux dans le but de préserver leur santé sexuelle. Toutefois, le caractère privé et secondaire de la sexualité dans le contexte de la situation de rue fait entrave à l’utilisation qu’ils font des services en santé sexuelle. Ces constats permettent de repenser les services en santé sexuelle offerts aux jeunes en situation de rue.

L’éducation à la sexualité en contexte d’itinérance : pour un modèle participatif, positif et inclusif

“…En ce qui concerne la dimension de l'acceptabilité (Lévesque et al, 2013), les constats de la présente étude révèlent l'importance de mettre en place un modèle d'éducation à la sexualité inclusif pour rejoindre les jeunes en situation d'itinérance. Tel que documenté dans d'autres travaux (Côté et Fournier, 2018;Oliver et Cheff, 2012), les jeunes en situation d'itinérance souhaitent que les intervenant.e.s fassent preuve d'attitudes d'ouverture et de non-jugement à l'égard de la diversité des pratiques sexuelles, des orientations sexuelles et des identités de genres. Comme les jeunes en situation d'itinérance font souvent preuve de méfiance à l'égard des personnes en position d'autorité (Canadian Observatory on Homelessness, 2016; Kelly et Caputo, 2007), il est important de favoriser la mise en place d'une éducation à la sexualité inclusive pour instaurer une relation de confiance avec les intervenant.e.s.…”

“…Les travaux disponibles documentent principalement les barrières d'accès aux services en matière de sexualité chez les jeunes en situation d'itinérance, telles que les heures d'ouverture limitées (Aviles et Helfrich, 2004;Garrett et al, 2008), les règlements institutionnels hétérosexistes et cisgenristes (Abramovich, 2016;Coolhart et Brown, 2017), ainsi que les attitudes discriminatoires des intervenant.e.s (Hudson et al, 2010;Thompson et al, 2006). Les quelques études qualitatives réalisées à partir du point de vue de ces jeunes montrent leur réticence, voire leur sentiment de honte, à parler de sexualité avec des intervenant.e.s (Côté et Fournier, 2018;Oliver et Cheff, 2012) en raison de la culture du silence entourant ce sujet dans les ressources d'aide (Côté et al, 2015;Wikström et al, 2018). Pour contrer ce sentiment de honte, il est suggéré par les jeunes de créer un environnement sécuritaire et confortable pour discuter positivement de sexualité avec les intervenant.e.s (Côté et al, 2015;Oliver et Cheff, 2012).…”

“…Pour contrer ce sentiment de honte, il est suggéré par les jeunes de créer un environnement sécuritaire et confortable pour discuter positivement de sexualité avec les intervenant.e.s (Côté et al, 2015;Oliver et Cheff, 2012). Pour ce faire, les jeunes proposent que les intervenant.e.s mobilisent une attitude d'ouverture, de non-jugement et d'acceptation de la diversité des comportements sexuels (Côté et Fournier, 2018;Oliver et Cheff, 2012). Il est d'ailleurs souhaité que les intervenant.e.s ne limitent pas les discussions aux risques associés à la sexualité, comme les ITSS ou la protection sexuelle, mais qu'elles et qu'ils abordent aussi les relations amoureuses et le plaisir sexuel (Côté et al, 2015;Wikström et al, 2018).…”

“…Au Québec, ces réflexions ont surtout porté sur l'éducation à la sexualité chez les jeunes en milieu scolaire (Boucher, 2003;Descheneaux et al, 2018;Otis et al, 2011;Richard, 2019), sans tenir compte des jeunes en rupture du système éducatif, comme les jeunes en situation d'itinérance. Pourtant, les conditions de vie précaires et instables de l'itinérance exercent une pression considérable sur les comportements sexuels des jeunes (Côté et Fournier, 2018;Marshall, 2008). On note, entre autres éléments, que les taux de prévalence sont particulièrement élevés chez ces jeunes en ce qui concerne l'infection à la chlamydiose génitale (6,2 %), à l'hépatite C (6,3 %) et au VIH (1,1 %); une proportion de 20 à 30 fois plus élevée que chez les jeunes de la population générale (Leclerc, Gallant, Morissette et Roy, 2013).…”