Résumé Les tunnels permettant de traverser les Alpes ne sont pas des objets techniques comme les autres. Célébrés, commémorés, ils sont le support de discours, tant de la part des entreprises qui les exploitent que des États qui les financent. L’expression de leur monumentalité est traditionnellement le portail, lieu des fêtes et des discours, des stèles et des dédicaces. Or, l’ouverture récente du tunnel de base du Lötschberg et la réalisation en cours de celui du Gothard semblent marquer un nouveau rapport à la visibilité de l’œuvre. Leurs extrémités semblent moins s’inscrire dans un processus de monumentalisation au sens mémoriel que dans le manifeste de la grandeur immédiate de la prouesse des travaux. Elles semblent se fondre dans la quête d’une intégration paysagère, ce qui tend à banaliser le moment de la traversée. En somme, l’œuvre se suffirait à elle-même dans le prestige technique du percement. Est-ce un effet de nouveauté ou la marque durable d’une banalisation du temps du franchissement au sein de la chaîne du déplacement ?