Cet article examine l’interaction intellectuelle entre les médecins catholiques et libéraux au xix e siècle sur la base des idées avancées lors du débat médical belge sur le dilemme obstétrical. A cette époque, l’obstruction en cours d’accouchement plaçait les médecins face à un dilemme majeur : fallait-il choisir la vie de la mère ou celle de l’enfant ? Une césarienne (en théorie la seule opération capable de sauver à la fois la femme et le fœtus à terme) entraînait la mort de la plupart des femmes. D’autres interventions obstétricales, comme l’avortement médical, offraient à la femme de meilleures chances de survie, mais étaient préjudiciables, par définition, à la vie ou à la santé du fœtus. La gravité du choix à faire mit en évidence de véritables fossés philosophiques dans le domaine médical. Ce choix ouvrit la porte à des questions ne relevant pas du domaine strictement scientifique, comme la priorité entre la mère et l’enfant et le statut de l’enfant à naître. De nombreux accoucheurs étaient guidés dans ces cas précis non seulement par des arguments médicaux, mais aussi par leurs convictions philosophiques dans leur choix d’un ou de plusieurs procédés obstétricaux. En analysant les arguments qui ont dominé ce débat entre 1840 environ et 1880, cet article démontre que, dans un pays à prédominance catholique comme la Belgique, il était impossible d’exclure la religion des débats médicaux qui ont soulevé une réflexion éthique approfondie. Dans un contexte aussi idéologiquement chargé, où les convictions personnelles inspiraient les actions des médecins en salle d’accouchement, le respect de la liberté idéologique de chaque médecin était la seule solution viable.