Considérant l’histoire scolaire comme un lieu de confrontation de discours et savoirs issus d’espaces de socialisation en concurrence (l’école, la famille, les médias), nous nous intéressons au travail d’éducation à la citoyenneté et aux défis que lui posent ces socialisations plurielles. Dans un contexte d’importante médiatisation des débats sur la reconnaissance des mémoires de minorités en France et de leur entrée dans les programmes scolaires du collège en 2008, comment les élèves s’approprient-ils les « questions socialement vives » de l’immigration, la colonisation, et la décolonisation ? En outre, comment s’effectue dans ce contexte l’apprentissage de la citoyenneté et du principe politique qui la fonde dans la tradition scolaire républicaine ? À partir de l’analyse de contenu d’un corpus composé d’une centaine d’entretiens semi-directifs menés entre 2007 et 2010 auprès de collégiens de 3e (fin du premier cycle du secondaire et de la scolarisation obligatoire), nous analysons et mettons en évidence des interprétations contrastées de ces héritages par les élèves majoritaires et les élèves minoritaires, respectivement alimentées par les catégories du débat public et les récits familiaux. Nous montrons, à la suite des travaux relevant de la sociologie des programmes scolaires, que l’apprentissage de la citoyenneté à la lumière de ces héritages historiques résulte de la confrontation des élèves aux discours et savoirs issus des différents espaces auxquels ils prennent part. Mais il est surtout le produit de leur prise de position face à ces héritages historiques, selon leurs expériences sociales et le rôle qu’ils confèrent à ces histoires dans la construction d’une identité et une appartenance communes.