Au tournant des années 1990, la rougeole a balayé le monde. Évitable par la vaccination depuis 1963, la « première maladie » est pourtant une des grandes absentes d’un siècle pandémique qui tarde à s’achever, si ce n’est pour en faire l’incarnation d’un anti-vaccinationisme rampant. Au travers d’une chronique de la « crise » de 1988-1992, nous reviendrons sur le processus de coproduction entre l’infection et les technologies qui en protègent. Nous aborderons plus particulièrement la dimension sociale de l’infection virale pour comprendre pourquoi la vaccination de masse, au coeur d’une entreprise d’éradication appuyée, ne suffit pas à éviter la rougeole et participe même à accroître certaines inégalités en santé qui influent sur son épidémiologie. L’expérience de la COVID‑19 nous exhorte à mener ce genre de travail rétrospectif et à mobiliser l’Histoire en discipline de santé publique pour mieux saisir la place de la vaccination dans le passé et le présent viraux et contagieux. Documentation de l’OMS, littérature scientifique et terrain ethnographique forceront ensemble une approche « à parts égales » des espaces et des acteurs concernés, faisant dialoguer les expériences très locales et les politiques internationales pour révéler les écueils d’une santé (publique) globale ultra-technologisée et très verticale.