La prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) liés au travail est une problématique importante en ergonomie et pour les ergonomes. Dans son article de 2019, Y. Lémonie porte une critique vigoureuse envers les différents travaux mobilisant la marge de manœuvre, dont les co-auteurs de cette réponse ont été des acteurs centraux. Cet article répond d’abord aux critiques de l’auteur concernant la marge de manœuvre. Nous montrons d’abord qu’un travail collectif est à l’œuvre pour enrichir et stabiliser l’usage du terme. Nous développons ensuite des arguments réfutant l’interprétation cognitiviste de l’auteur. Dans une seconde partie, nous interrogeons les propositions de l’auteur. Nous convergeons avec l’auteur sur le fait que la diversité motrice reprend des acquis de l’ergonomie. Nous discutons ensuite de la variabilité motrice : si elle constitue une problématique de recherche prometteuse, plusieurs difficultés et questionnements empêchent de préciser à ce jour comment elle pourrait nourrir la prévention et l’intervention des ergonomes. Nous discutons ensuite des perspectives relatives aux futures recherches sur la marge de manœuvre. Nous défendons globalement la pertinence de poursuivre l’élaboration du concept de marge de manœuvre pour rendre compte des possibilités effectives que construit une personne pour faire face aux variabilités des situations de travail. Nous inscrivons ces travaux dans une ontologie relationnelle, où la marge de manœuvre constitue l’espace de l’activité, où s’inscrit et se construit la relation dynamique, asymétrique et conflictuelle du sujet à son monde. Nous distinguons la marge de manœuvre (au singulier) des marges de manœuvre (au pluriel). Ces dernières sont les conditions antécédentes de l’activité : organisationnelles, procédurales, temporelles, spatiales, etc. Nous discutons enfin des conditions de l’interpellation scientifique au sujet de l’efficacité des interventions ergonomiques.