Métropoles en tension. La construction heurtée des espaces politiques métropolitains

Abstract

La loi française mapam , relative aux métropoles et adoptée en 2014, reconnaît juridiquement les métropoles. Cette réforme participe d’un flux d’initiatives diffuses, repérables sur d’autres scènes que le Parlement. Croisant les échelles d’analyses, cet article montre comment l’espace métropolitain de la région urbaine marseillaise se renforce en s’indexant aux dispositifs d’action publique et en agrégeant des élites engagées dans la prospective et la promotion économique du territoire. La convergence entre la volonté nationale et la stratégie des élites locales ne suffit pas à ancrer le projet métropolitain, contrarié par les réactions défensives des maires opposés à l’hégémonie de la ville-centre et inquiets des effets sélectifs des transferts de pouvoirs à des niveaux de gouvernance qui les marginalisent.

La fabrique du gouvernement métropolitain de la santé

“…Pourtant, leurs capacités à initier, fabriquer et porter des politiques répondant aux besoins des populations sont largement débattues (Jouve, Lefèvre, 1999a ;Douay, Roy-Baillargeon, 2016). Bien que la loi assure le renforcement progressif de leurs compétences (précédemment assumées par les communautés urbaines), les métropoles peinent, en effet, à dépasser les fondations fonctionnelles (Desage, Guéranger, 2011 ;Olive, 2015) de leur légitimité en vue d'accéder à une reconnaissance politique et démocratique.…”

“…Alors que les habitants ne formulent pas explicitement d'attentes en la matière, la décision prise par Alain Juppé d'oeuvrer à la contractualisation entre l'ARS et la métropole bordelaise contribue à la redéfinition du périmètre des compétences de l'EPCI et des conditions de leur exercice effectif. Parce que ces changements d'échelle impactent le contenu de l'action publique (Olive, 2015), des recettes organisationnelles sont déployées afin d'atténuer, voire de dépasser, les antagonismes institutionnels que l'engagement métropolitain en santé fait émerger. L'ambition est alors d'amener une pluralité d'acteurs à travailler ensemble en renforçant le sentiment individuel de libre adhésion au processus général de construction de l'action collective (Pinson, 2006).…”

“…Les services déconcentrés ou agences de l'État restant généralement soucieux de préserver leur position, leur autonomie d'action et leur réseau dans l'espace régional (Moquay, 2009 ;Epstein, 2013 ;Honta, 2016), la régulation politique de la santé est ainsi mise à l'épreuve d'organisations publiques défendant la primauté et la pertinence de leurs dispositifs contractuels respectifs : ASV versus CLS. Une telle posture rappelle aussi que la métropole ne se fait pas uniquement par le haut, sous l'impulsion des visées réformatrices de l'État (Olive, 2015). Bien que l'ARS participe à la légitimation de l'institution métropolitaine en lui fournissant le cadre contractuel à partir duquel il lui est possible d'agréger les acteurs locaux, ces derniers, présents aux autres niveaux décisionnels, sont peu désireux de voir remettre en question l'ordre politique local qu'ils ont contribué à façonner (Jouve, Lefèvre, 1999b, p. 31).…”

Le sport dans les « territoires de projet » ou les chemins tortueux de la coopération intercommunale

“…Le renforcement de la dynamique de coopération intercommunale engagée en France depuis deux décennies engendre la redistribution de la carte des ressources, des compétences et, par là même, la valorisation de certains niveaux territoriaux pour en affaiblir d'autres (Olive, 2015). La capacité politique des EPCI en matière sportive, autrement, leur faculté à définir des projets et à agir collectivement dans des environnements fragmentés, pluralistes et marqués par la dispersion des ressources (Stone, 1993), est subordonnée aux nécessaires coopérations entre échelles locales de gouvernement.…”

“…Au bout du compte et bien que la loi assure le renforcement progressif des prérogatives des EPCI, ces établissements publics peinent à dépasser les fondations fonctionnelles de leur légitimité en vue d'accéder à une reconnaissance politique, mais aussi démocratique (Olive, 2015).…”