Le récit que fait Nathaniel Philbrick des naufragés de l’Essex témoigne de la nécessité de recourir à des stratégies d’atténuation au sujet du cannibalisme de survie. Ces stratégies sont de deux ordres : donner à l’horreur des cadres qui l’inscrivent dans des codes, et mitiger le réel par de la fiction. Ces techniques d’écriture correspondent à l’expérience des baleiniers, qui sont issus d’une société où toute expression de violence est proscrite et s’embarquent dans une aventure où ils devront se confronter à l’abjection. Le moment de la dévoration s’entoure d’une série d’interdits qui replacent l’anthropophagie dans une (forme de) civilisation. La narration faite par les survivants comme par les écrivains use de deux techniques : l’ellipse, qui consiste à passer sous silence l’acte cannibale, et l’éclipse, qui relègue le réel au second plan derrière la fiction par le recours au fantastique et à l’intertextualité.