Monnaie unique et intégration par le marché en Afrique: le cas de la CEEAC et de la CEDEAO

Abstract

Résumé L'objectif de cet article est d'évaluer, à la lumière de la théorie endogène des zones monétaires optimales, l'effet potentiel de la monnaie unique sur le commerce bilatéral dans deux Communautés Économiques Régionales africaines (la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale et de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest). L'évaluation est faite à partir d'un modèle de gravité augmenté, estimé selon la méthode du Pseudo‐Maximum de Vraisemblance. Au terme des analyses, nous parvenons au principal résultat selon lequel l'effet potentiel de la monnaie unique sur le commerce bilatéral est positif et significatif, mais il diffère selon les Communautés, à cause des caractéristiques des pays membres. Ce résultat invite les responsables politiques des Communautés Économiques Régionales africaines à accélérer les étapes du calendrier d'Abuja, dans l'optique de mettre sur pied une monnaie unique africaine dans un délai raisonnable.

Coûts/gains commerciaux de l'intégration monétaire dans la Zone Franc africaine: Une analyse à partir de 5 scenarii

“…La croissance démographique devient un fardeau et non un dividende, ce qui tend à expliquer l'effet non significatif de la population dans le pays i. Cet effet est contrarié par la croissance démographique dans le pays j où, à cause des mêmes caractéristiques, la population affiche une forte propension d'absorption des produits étrangers plus qu'elle n'en produit localement. Ces résultats corroborent ceux de Avom et Mignamissi (2017), puis Mignamissi (2018).…”

“…Par ailleurs, les faits stylisés sur les échanges des blocs régionaux africains sont assez similaires. La principale régularité qui en ressort est la faiblesse du commerce interne, comparativement aux autres blocs régionaux du monde (Avom & Mignamissi, 2017; Carrere, 2013; Mignamissi, 2018). Parmi les raisons évoquées, on relève entre autres l'existence de structures productives très peu diversifiées, la prolifération des communautés économiques régionales (Gandjon Fankem, 2017), et la nature autocratique des régimes politiques (Gandjon Fankem, 2018).…”

“…En effet, former une union monétaire dans la CEEAC serait coûteux pour les pays de la CEMAC, qui verraient leur commerce diminuer de 46% par rapport au statu quo. Ce résultat pourrait s'expliquer par la multi‐appartenance à des CER (CEMAC, CEEAC, CEPLG, CEN‐SAD, COMESA, SADC) qui cause la fragmentation et le gaspillage des ressources, la faible complémentarité des échanges et la similitude des spécialisations (Avom & Mignamissi, 2017; Mignamissi, 2018), mais aussi la faible démocratisation des régimes politiques (Gandjon Fankem, 2017, 2018). Ainsi, les efforts de convergence macroéconomique, la résiliation de multiples accords ayant créés le « bol de spaghetti » et les coûts de rationalisation que cela induirait rendraient le processus moins bénéfique à court terme pour les pays de la CEMAC, qui ont déjà expérimenté plusieurs décennies d'intégration monétaire.…”

“…Peu de travaux se sont explicitement intéressées à évaluer les coûts/bénéfices d'appartenance à cette zone (Allechi & Niamkey, 1994). Depuis Rose (2000), la plupart des études ayant abordé cette problématique en Afrique et dans le monde questionnent le rôle de la monnaie unique dans l'intensification des échanges, mais aussi l'influence et la dynamique des unions monétaires sur le commerce (Avom & Mignamissi, 2013; Bergin & Lin, 2012; Carrere, 2013; Glick & Rose, 2016; Lochard, 2005; Mignamissi, 2018; Mika & Zymek, 2018). Le présent article contribue à cette littérature en adoptant une approche par les scénarii, fondée sur la simulation des réformes envisageables de la structure monétaire en vigueur dans la Zone Franc africaine.…”

La zone Franc entrave-t-elle la transformation structurelle des économies des pays membres ?

“…De même, Touna Mama (1999 relève qu'à l'heure où la plupart des pays du monde se constituent en grands blocs économiques régionaux dans lesquels se déroule l'essentiel de leurs échanges, la monnaie unique ne devrait pas être perçue comme un luxe pour l'Afrique. S'il doit avoir une évolution dans la zone Franc, cette évolution devrait se faire non pas dans le sens d'un retour aux monnaies nationales, mais plutôt dans le sens d'un rapprochement entre l'espace UEMOA et l'espace CEMAC (Touna Mama, 2018), ou dans le sens d'une extension de la zone Franc à la CEEAC et à la CEDEAO pour évoluer plus rapidement vers la monnaie unique africaine (Mignamissi, 2018 ;Duchaussoy, 2018).…”