Source intarissable de modèles et de contre-modèles pour penser la question environnementale contemporaine, l’Amérique latine occupe une place singulière sur la scène internationale au xxi e siècle. Cet article montre en quoi cette situation a pu entraîner des analyses biaisées des innovations que cet ensemble de pays a développé, en magnifiant certaines ou en invisibilisant d’autres. Les analyses critiques du « bilan » environnemental de la période négligent en général trois processus : la globalisation segmentaire des questions environnementales latino-américaines, la profondeur des contraintes politiques contraires aux volontés de régulation environnementale, ainsi que des évolutions décoloniales complexes. En décalant le regard, plusieurs phénomènes peuvent être considérés comme caractéristiques du continent, marquant son originalité : le rôle décisif des conflits populaires, la « latinisation » de l’extractivisme, et le maigre bilan de la néolibéralisation de la nature.