Depuis l'apparition de la technique CRISPR-Cas9, qui s'est répandue comme une traînée de poudre dans les laboratoires de recherche, son emploi en thérapie génique a souvent été évoqué [1]. L'entreprise Editas, une des plus actives dans ce secteur, s'intéresse notamment à l'amaurose congénitale de Leber 1 , à d'autres pathologies réti-niennes, mais aussi à la mucoviscidose. Bien d'autres startup (CRISPR Therapeutics, Caribou Biosciences, Intellia) et au moins une Big Pharma (Novartis) se positionnent également dans ce domaine, souvent pour des applications concernant le cancer. En effet, bien que la thérapie génique soit souvent envisagée principalement dans le contexte des maladies génétiques, la majeure partie des essais cliniques en cours est en réalité centrée sur le traitement du cancer (Figure 1). Parmi ces essais, beaucoup concernent le prélèvement de lymphocytes T du patient, leur modification pour les rendre plus actifs ou plus spécifiques, et leur multiplication au laboratoire avant réintroduction chez le malade [2]. C'est dans ce domaine que vont se dérouler les premiers essais cliniques utilisant la méthode CRISPR-Cas9. L'efficacité et la précision de cette méthode constituent en effet un avantage certain pour les interventions « chirurgicales » prévues sur ces cellules T puisqu'il s'agit d'introduire un changement très précis dans leur ADN, et si possible de modifier ainsi la majorité d'entre elles.
Le projet américainDirigé par Edward Stadtmauer à l'université de Pennsylvanie, il vise une amélioration du système déjà utilisé avec un certain succès par cette équipe. Dans un travail publié l'an dernier [3], ces chercheurs avaient, grâce à un vecteur de type lentivirus, introduit dans des cellules T provenant des malades les séquences codant un récepteur T à haute affinité dirigé contre un antigène appelé NY-ESO-1 et fréquemment exprimé par les cellules tumorales (il 1 L'amaurose congénitale de Leber est une dystrophie et/ou une dysplasie réti-nienne congénitale précoce. Elle constitue l'une des principales causes de cécité chez l'enfant. Elle est retrouvée chez environ 10 à 20 % des enfants aveugles et représenterait 5 % des dystrophies rétiniennes. s'agissait alors de méla-nome). Les résultats obtenus étaient encourageants, avec une persistance des cellules T modifiées durant plusieurs semaines après leur injection chez les malades, une réponse clinique nette (augmentation de la durée de survie sans progression 2 ) et une toxicité modérée 3 . Le nouveau projet a pour but d'améliorer l'efficacité et la durée du traitement, en bloquant le principal mécanisme par lequel la tumeur « se défend » contre le système immunitaire de son hôte. Rappelons que l'immuno-oncologie, après avoir connu des fortunes diverses au cours des dernières décennies, est actuellement en plein boom grâce à une meilleure compré-hension des mécanismes par lesquels les tumeurs inhibent la réponse immunitaire, à l'identification des molécules de surface impliquées et à la mise au point d'anticorps monoclonaux qui, en bloquant ces mol...