Opinion Publique et Politique Extérieure: le cas des Votations Populaires en Suisse

Abstract

Cet article a pour objet la formation des opinions lors de votes populaires en matière de politique extérieure. L'application du modèle élaboré par John Zaller à des données de sondage couvrant quinze ans de votations de démocratie directe en Suisse montre que le processus de formation des opinions n'est pas intrisèquement différent, en politique extérieure, de celui à l'oeuvre dans des domaines politiques connexes (politique d'immigration, politique de sécurité), ou dans la politique interne en général. Confirmant dans les grandes lignes les attentes théoriques, l'analyse empirique montre que le niveau de soutien aux projets des autorités varie de manière systématique en fonction du niveau de conscience et des prédispositions politiques des individus, d'un côté, et du niveau de conflit au sein de l'élite, de l'autre. Dans les différents domaines, un discours uniforme de la part de l'élite produit un effet "mainstream" au sein de la population, alors qu'un effet de "polarisation" se manifeste lorsque l'élite est divisée. La politique extérieure apparaît néanmoins comme un cas spécifique en ce qui concerne les conditions dans lesquelles la formation des opinions se produit (intensité des campagnes référendaires, niveau de conflit, configuration au sein du système de partis).

“I Pay Enough Taxes Already!” Applying Economic Voting Models to Environmental Referendums*

“…7 The partitioning of the party family into three categories is most common in research on Swiss voting behavior and in this respect we follow other scholars who use the same categorization (see e.g. Sciarini and Marquis, 2000;Kriesi, 2005). 8 The Swiss Consumer Confidence Survey is comparable to the University of Michigan's Consumer Sentiment Index.…”

“…to emulate the behavior of citizens disposing of greater political knowledge (Sniderman, Brody, and Tetlock, 1991;Lupia, 1994). Not only does the lack of understanding have detrimental effects on the approval of projects at ballots but voters will also follow the elite's opinion and thus make their choice dependent on the direction of the debate in the public arena (Zaller, 1992;Sciarini and Marquis, 2000;Sciarini, Bornstein, and Lanz, 2007). Finally, voters might also follow their government's recommendations when casting a vote (Kriesi, 2005) or those of political parties, which serve as a reliable and not very costly shortcut to decision-making (Downs, 1957).…”

Campaign Effects in Direct-Democratic Votes in Switzerland

“…Less competent citizens, by contrast, tend to accept uncritically whatever messages they receive. Consequently, competent citizens are more likely to vote in conformity with their underlying political values and party attachments than less competent citizens (Hobolt, 2005;Kriesi, 2005;Sciarini & Marquis, 2000).…”

La formation des opinions dans les votations populaires de politique extérieure

“…Cette question a été au centre d'une recherche que nous avons menée dans le cadre du Programme national 42 "Fondements et possibilités de la politique extérieure suisse". 1 Guidés par la théorie de for-mation des opinions développée par l'Américain John Zaller et basés sur une réanalyse des enquêtes VOX de la période 1981-1995, les principaux résultats de notre étude peuvent être résumés en trois points (Marquis et Sciarini 1999;Sciarini 1999;Sciarini et Marquis 2000). 2 Premièrement, le processus de formation des opinions lors des votes de politique extérieure n'est pas intrinsèquement différent de celui à l'oeuvre dans les domaines politiques connexes (politique d'immigration et des étrangers, politique de défense et de sécurité) ou dans la politique interne en général; en politique extérieure, comme dans les autres domaines politiques, la formation des opinions se conforme dans les grandes lignes au modèle théorique élaboré par John Zaller, c'est-à-dire qu'elle varie de manière systématique selon le niveau de compétence et les prédispositions politiques des citoyens et citoyennes, d'un côté, et le degré de consensus existant au sein de l'élite, de l'autre.…”

“…Je me contente de résumer ici les principaux aspects de cette opérationalisation. Pour une présentation plus détaillée, voir notammentSciarini et Marquis (2000).5 Tous les votes de politique interne ont été codés à partir des mots d'ordre des partis. Pour les votes relevant de la politique extérieure, de la politique d'immigration et des étrangers, ou de la politique de défense et de sécurité, nous avions deux mesures de conflictualité à notre disposition: les mots d'ordre des partis et les annonces publicitaires.…”