Cet article poursuit la réflexion de Dilhac (2014) touchant la relation entre politique et vérité. Au terme d’une analyse de la tolérance chez Mill et Popper, Dilhac conclut qu’une conception épistémique de la tolérance manque sa dimension politique, et qu’il est préférable d’opter pour le concept rawlsien de consensus raisonnable. Discutant ces résultats, le premier objectif est ici de montrer qu’une notion de « raisonnabilité » peut facilement trouver ses racines dans la neutralité scientifique wébérienne, et donc être porteuse d’une dimension épistémique minimale. Le second objectif est de clarifier l’impact de cet argument particulier sur le débat général entourant la démocratie épistémique. Il sera défendu que l’opposition traditionnelle entre les conceptions épistémique et politique de la délibération est à trouver dans un certain perfectionnisme épistémique, mais qu’il existe au moins une conception minimale du potentiel épistémique tout à fait compatible avec les valeurs fondamentales du libéralisme, comme l’inclusion, l’égalité ou la diversité. En d’autres termes, les exigences épistémiques minimales de la neutralité scientifique peuvent être indépendantes du perfectionnisme épistémique.