Du point de vue des sciences de l’information et de la communication et dans la lignée de l’approche sociocritique proposant d’analyser les usages numériques en éducation au regard de leurs contextes socioculturels de production (Collin et al., 2015 ; Denouël, 2019), nous posons la question de la réalité du pouvoir d’agir de l’enseignant avec les dispositifs sociotechniques dont il dispose et de ce que nous en dit l’épisode « d’éducation à distance d’urgence » (Bozkurt et al., 2020) lié à la pandémie de COVID-19. Cela passe par l’identification des objets techniques réellement mobilisés à des fins d’enseignement. Nous interrogeons les possibilités pédagogiques associées à ces dispositifs : que permettent-ils effectivement ou non de faire, du point de vue des intentions pédagogiques des enseignants? Notre propos s’appuie sur 50 entretiens semi-directifs individuels avec des enseignants de l’école élémentaire en France, récemment équipés par le ministère de l’Éducation. Nos résultats soulignent la forte matérialité technique du travail enseignant, en classe comme à la maison, ainsi que la tendance de nos participants à hypertrophier les potentialités des dispositifs numériques (dans le sens des bénéfices pour l’apprentissage comme dans celui des dangers pour les enfants) au détriment de leur propre créativité pédagogique.