Alors que les évolutions sociales dans les pays dévelop-pés se traduisent par un individualisme croissant [1], on observe dans le même temps une tendance forte à la mobilisation collective des patients [2]. C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit le développement du champ dit de la « médecine personnalisée », au sein duquel les thérapies ciblées, résultant de l'utilisation de biomarqueurs ou de tests génomiques, occupent aujourd'hui une place majeure. La possibilité d'estimer la réponse des patients aux traitements à partir de caractéristiques individuelles (constitutionnelles) et/ ou liées à la maladie (somatiques) est en effet souvent présentée comme préfigurant une nouvelle ère, celle d'une médecine davantage « sur mesure » (tailored treatments plutôt que one size fits all) [3]. Alors qu'un nombre croissant de biomarqueurs et tests génomiques sont désormais intégrés à la pratique clinique [4], les thérapies ciblées pourraient ainsi contribuer à satisfaire la demande des patients pour plus de transparence dans l'information médicale et pour plus d'implication dans la prise de décision médicale [5]. Mais les difficultés d'information des patients concernant leurs options thérapeutiques restent entières, la question de la décision éclairée du patient devenant même un véritable enjeu dans le contexte des thérapies ciblées [6]. Par ailleurs, le développement des thérapies ciblées est favorisé par le contexte de crise de l'innovation pharmaceutique, qui se traduit par des coûts de recherche et développement sans cesse croissants [7], peu de nouveaux médicaments commercialisés [8] et une inquié-tude croissante quant aux toxicités des médicaments prescrits [9]. Alors qu'on pourrait considérer que les entreprises pharmaceutiques n'ont aucun intérêt à envisager une segmentation du marché de leurs médicaments, le développement des thérapies ciblées est cependant susceptible de retarder la commercialisation des médicaments sous forme de générique [10]. Ces constats pourraient expliquer, au moins pour partie, les investissements croissants de l'industrie pharmaceutique dans la recherche et le développement de biomarqueurs et de tests génomiques. Parmi les biomarqueurs et tests génomiques dont la commercialisation a été approuvée par la FDA (Food and drug administration, États-Unis) ou l'EMA (European medicines agency), la plupart visent à améliorer les traitements des cancers (meilleurs rapports bénéfices/risques). La perspective d'une médecine plus stratifiée, avec des arbres de déci-sions plus complexes et optimisés pour la prise de décision médicale, pose cependant la question des coûts associés. Dans un contexte d'inquiétude croissante à propos des dépenses de santé [11], prescrire > Le développement des thérapies ciblées s'inscrit dans un contexte de crise de l'innovation pharmaceutique et de demande des patients pour plus d'implication dans les décisions de traitements. La perspective d'une médecine plus personnalisée pose cependant la question des bénéfices cliniques à attendre des thérapies ciblées au reg...