Produire le flux

Les lieux de la logistique : une géographie urbaine des ouvriers postindustriels

“…Cependant, plusieurs dynamiques récentes semblent progressivement politiser ces centralités économiques pour les classes populaires. Alors qu'elles étaient quasiment inexistantes en raison de la faible syndicalisation indiquée précédemment, les grèves et les luttes menées par les ouvriers de la logistique sont de plus en plus nombreuses (Cuppini et al 2015 ;Benvegnù et Gaborieau 2017). Finalement, ces éléments soulignent que les zones logistiques deviennent très progressivement des espaces de la conflictualité sociale, les mobilisations prenant appui sur ces sites clés du capitalisme de flux tendus et de concentration d'emplois ouvriers, selon une configuration qui rappelle le rôle des usines dans les mouvements sociaux de la période fordiste (Vigna 2007).…”

“…Ces enquêtes ont été prolongées par des observations en matière de politiques d'aménagement, de luttes, de stratégies syndicales et concernant les livreurs de repas, réalisées notamment à Nantes, Vancouver, Luxembourg et Venlo (Pays-Bas). Une revue de la littérature en sociologie du travail (notamment (Benvegnù et Gaborieau 2017)), en géographie (de Lara 2018) et en études des mobilités (Aguiléra et al 2018) vient compléter le travail d'enquête.…”

“…Sur la préparation des commandes dans les entrepôts, voir(Benvegnù et Gaborieau 2017). 3 À ce titre, nous choisissons d'évoquer ces ouvriers au masculin.…”

Qu’est-ce que l’industrie ?

“…Rattacher l'industrie à la transformation des matières premières (un lien sémantique que l'on trouve déjà en 1771 chez l'abbé Baudeau 64 , réinventé avec la catégorisation des trois secteurs économiques -primaire, secondaire, tertiaire -issue de l'économie américaine et encore enseignée au lycée 65 ) ne résout pas davantage la question, d'une part parce que l'artisanat mérite alors tout autant cette qualification, et d'autre part parce qu'il existe aujourd'hui des secteurs que l'on qualifierait volontiers d'industriels et qui ne transforment pourtant aucune matière première en produit manufacturé. On peut penser aux plateformes logistiques qui ont connu une industrialisation massive depuis les années 2000 (au point que le secteur dépasse désormais le BTP -pourtant historiquement leaderen matière de maladies professionnelles et d'accidents du travail 66 ), aux centres d'appel où les managers ont appris à gérer jusqu'au sourire des intérimaires 67 , à l'agriculture ou à l'extraction minière industrialisées -qui devraient pourtant constituer le coeur du secteur primaire -ou même aux datacenters qui ne produisent rien de physique dépassant la taille de l'électron et qui mobilisent pourtant des infrastructures propres à l'industrie lourde -cuves de fioul titanesques, climatiseurs géants, installations classées Seveso, etc. 68 .…”

The production of logistics places in France and Germany: a comparison between Paris, Frankfurt-am-Main and Kassel

“…These multiple logistics sites are mainly understood as the physical infrastructures that make current globalisation processes possible: the emergence of a 'wall-less global factory' (Cowen, 2014), the diversion of capital into the built environment, and thus the expansion of the geographical frontiers of the accumulation process (Danyluk, 2018). In contrast with these approaches that identify logistics as something new, the result of a 'logistics revolution' (Bonacich & Wilson, 2008), research on logistics workers highlights the continuities between logistics activities and the manufacturing world (Benvegnù & Gaborieau, 2017). However, global scale production is only one dimension of the space-making practices of logistics.…”