L’objet de cet article est de faire une analyse narrative et culturelle du roman de Michel Tournier, Vendredi ou la vie sauvage (1971). Il s’agit d’une une réécriture de Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967) qui fait partie des centaines de reprises intertextuelles du roman de Daniel Defoe, Robinson Crusoé (1719). Dans une première partie, j’étudie l’organisation logique de l’intrigue sous la forme d’une combinaison de différentes séquences et d’une organisation chronotopique particulière. Pour ce faire, j’ai recours aux études textuelles, en particulier pour rendre compte de la temporalité et de la spatialité, composants indispensables de toute fiction. Je m’appuie aussi sur les travaux narratologiques pour montrer que M. Tournier respecte les lois du genre caractéristiques des robinsonnades bien qu’il les détourne en se livrant à une réécriture critique du roman originel. Dans les trois parties suivantes, j’adopte un point de vue plus culturel que narratif. C’est ainsi que je montre ensuite que Robinson, pour seul et éloigné qu’il est de son pays d’origine, est profondément civilisé au sens éliasien du terme et se sert de cette acculturation pour affronter la situation nouvelle dans laquelle il se trouve placé. Dans une autre partie, j’analyse les modalités – formes et contenus – de l’antagonisme culturel entre Robinson et Vendredi. Je le fais en m’appuyant en particulier sur la théorisation des rapports entre Nature et Culture que l’on doit à l’anthropologue Philippe Descola. Enfin, dans une dernière partie, je m’interroge sur les enjeux de ce conflit culturel exposé narrativement par M. Tournier. On voit que, tout comme le héros de D. Defoe, Robinson impose son modèle culturel à Vendredi dans un premier temps ; puis, il renonce à son ethnocentrisme culturel et s’assimile à Vendredi dans un second temps.