Politiques des langues dans les organisations internationalesToutes les organisations internationales, qu'elles soient intergouvernementales ou non, sont confrontées à la question de la ou des langues dans lesquelles leurs membres et leurs employés travaillent et communiquent. Celles qui nous intéressent ici ont fait le choix, plus ou moins assumé et plus ou moins suivi d'effets, d'écarter l'option du monolinguisme, qui consiste à imposer une lingua franca à tous les niveaux de communication, au profit du multilinguisme, à savoir le recours à plusieurs langues, dans leurs échanges internes comme dans leurs déclarations publiques. Leurs motivations sont diverses : elles tiennent à leurs terrains d'intervention (c'est le cas des missions humanitaires), répondent à des enjeux diplomatiques (pour ne pas favoriser ouvertement tel ou tel membre de l'organisation), et/ou relèvent de leurs objectifs mêmes (la transposition d'une même norme juridique dans plusieurs pays, la constitution d'une citoyenneté supranationale, etc.). À moins que tous les individus concernés soient plurilingues 1 -ce qui n'arrive pratiquement jamais, à l'exception de quelques groupements extrêmement restreints (comme certaines sociétés savantes) -, le choix du multilinguisme implique un travail constant -et coûteux -de traduction et d'interprétation, dont les répercussions politiques sont encore trop souvent sous-estimées.Ce sont ces dernières que le présent dossier vise à éclairer, dans une perspective pluridisciplinaire. Il s'inscrit à cet égard dans un champ de recherche que les acteurs et actrices impliqués ont, dans une large mesure, suscité et contribuent encore à animer, en lien avec des chercheurs et chercheuses issus 1. Suivant l'usage (voir par exemple Touitou-Benitah, 1998), nous distinguons entre multilinguisme (présence de plusieurs langues dans une même organisation, ce qui implique un travail de traduction) et plurilinguisme (maîtrise de plusieurs langues par les individus).