particulièrement sur ses relations soutenues avec les quakers, qui professaient, comme les collégiants, le dogme le plus anticlérical qui se pût imaginer : la « lumière intérieure ». De là l'intérêt de situer Spinoza et le spinozisme d'un point de vue wébérien. Nous reviendrons donc sur le « réalisme » du philosophe. Descendant de marchands et marchand lui-même un moment, on ne s'étonnera pas ses rapports « intramondains » avec la vie, au sens que donne Max Weber à l'ascétisme « intramondain », par opposition à l'ascétisme « extramondain » et à l'ascétisme de « fuite hors du monde ». Nous essaierons ensuite de dégager ce que pouvaient être une « conduite de vie » spinoziste dans les limites du champ sotériologique que pouvait tracer cette éthique. 1 Le savant et le philosophe Max Weber ne mentionne jamais nommément Spinoza et ne se réfère que très rarement à sa pensée. Le spinozisme n'est en effet directement cité que deux fois, savoir dans le chapitre consacré à « La ''méthode historique'' de Roscher », dans son essai sur celui-ci et Knies 1 , et dans l'Éthique protestante 2 , lorsqu'il étudie les rapports de la doctrine de la prédestination avec l'ascétisme intramondain dans le piétisme, c'est-àdire l'une des nombreuses fois où le savant allemand discute du fatalisme. Deux autres fois concernent, comme nous le savons, l'Islam et le nietzschéisme. A quoi il faut rajouter ce que l'on pourrait considérer comme une allusion au spinozisme dans Économie et société 3. Mais il n'y a pas que Spinoza à faire les frais de ce laconisme de la part de Weber. D'autres philosophes, tout aussi importants que Spinoza, comme Kant, Fichte, Hegel ou Nietzsche, et sans lesquels sa propre pensée ne serait peut-être pas entièrement compréhensible, n'eurent pas un meilleur traitement. C'est que notre sociologue, semblablement à son compatriote Goethe qui se disait sans « organe » pour cette discipline 4 , aimait lui aussi à montrer cette même « coquetterie » de « ne rien comprendre à la philosophie » 5. Mais cela n'a évidemment pas empêché celui-là même qui s'avouait « embrouillé » par la lecture de Kierkegaard, Nietzsche et Simmel 6 , d'être rangé parmi les plus grands philosophes de son temps 7. Les difficultés ne sont évidemment pas aplanies par la littérature consacrée à Max Weber. Car, mis à part, le travail d'Arthur Mettler sur Max Weber et la problématique philosophique de notre temps 8 , et celui, moins ancien, de Philippe Raynaud sur Max Weber et les dilemmes de la raison moderne 9 , les auteurs qui se sont penchés sur la genèse de la pensée de Weber, comme Alexandre von Schelting 10 , Walter Wegener 11 ou Catherine Colliot-Thélène 12 , pour ne citer que ces noms, ne se sont pas intéressés à la position de Max Weber à l'égard de Spinoza et du spinozisme. Le sujet ne manque pourtant guère d'intérêt, lorsqu'on sait la destinée exceptionnelle réservée au philosophe juif en Allemagne et son évolution remarquable du « chien crevé » au « saint » de Goethe, au « prince de l'athéisme » des Jeunes Hégéliens et jusqu'à l'inventeur de la...