médecine/sciencesle médecin considère dans leur singularité. La médecine personnalisée : continuité ou rupture ? En réalité, ces deux aspects antinomiques au premier abord sont mobilisés ensemble dans les discours d'accompagnement de la médecine personnalisée. Leur intérêt est avant tout stratégique : l'argument de la « révolution » sous-tend une économie des promesses [3] intéressant tous les acteurs de la santé, grâce à quoi le développe-ment de la médecine personnalisée draine des financements considé-rables. L'argument de la continuité permet de désamorcer par avance les inquiétudes que les transformations en cours dans les systèmes de santé peuvent faire naître -inquiétudes concernant notamment : (1) le coût très élevé des thérapies ciblées, menaçant d'implosion des systèmes d'assurance maladie déjà fragiles [4-6] ; (2) les risques de discrimination des individus à l'embauche, pour l'obtention d'un prêt ou d'une police d'assurance [7] ; (3) la sur-responsabilisation des patients face à la maladie, au détriment d'une approche en termes de déterminants sociaux de la santé et de la solidarité collective [8] ; (4) le danger, assez paradoxal au demeurant, de voir revenir sur le devant de la scène une médecine « racialisée » -dès lors en effet que des corrélations sont établies entre efficacité des médicaments, polymorphismes génétiques et origines géographiques ou ethniques des individus [9,10]. Notre intention dans cet article a été de contourner les discours programmatiques qui présentent la médecine personnalisée comme un horizon d'attente univoque. Dans ce but, nous avons cherché à définir un nouvel angle d'analyse en privilégiant les questions suivantes : Existe-t-il des concepts organisateurs de la médecine personnalisée ? Dans quelle mesure les technologies qui lui sont associées contribuent-elles à la transformation des dispositifs médicaux comme, par exemple, les essais cliniques randomisés ? Si l'on considère la vision d'avenir de la santé publique offerte par un ensemble de discours Devenue en quelques années le nouvel horizon des politiques de santé à l'échelle internationale, la médecine personnalisée a d'emblée revêtu deux aspects contradictoires. D'un côté, ses promoteurs la décrivent souvent comme une « révolution » en passe de bouleverser les concepts, les pratiques et l'organisation d'ensemble de la médecine [1,2] ; d'un autre côté, elle est aussi pré-sentée comme une continuation de ce qui se fait depuis toujours, la médecine étant en effet, pour ainsi dire par essence, une pratique tournée vers des « personnes » que