Les intersections entre immigration et criminalisation sont nombreuses. Au Canada, près de 20 ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et à la suite de plusieurs arrêts importants de la Cour suprême du Canada, il convient de faire le point sur cet enjeu. Cet article offre une typologie des intersections existantes et propose une analyse des transformations récentes. Nous traitons des situations suivantes : 1) la criminalisation formelle de stratégies migratoires (recours aux infractions criminelles contenues dans la LIPR) ; 2) les implications pour le projet migratoire d'un casier judiciaire (interdiction de territoire pour motifs de criminalité) ; 3) la criminalisation procédurale par le recours, dans le champ administratif, à des institutions et à des pratiques traditionnellement associées au système de justice pénale (détention d'immigration) ; et 4) le policing et le contrôle du statut d'immigration (collaboration entre les forces policières et l'Agence des services frontaliers du Canada). Dans les trois premiers cas, de récents arrêts phares de la Cour suprême sont aussi discutés : Appulonappa et B010 (2015) sur la criminalisation de l'entrée irrégulière ; Tran (2017) sur l'exclusion pour motifs de criminalité ; et Chhina (2019) sur l'accès à l'habeas corpus pour les personnes en détention d'immigration.