L'ADN des cellules est constamment endommagé par des stress endogènes comme les espèces oxygénées réacti-ves produites par le métabolisme cellulaire, et par des stress exogènes tels que les ultraviolets (UV) [1]. Ces altérations peuvent mener à des mutations, c'est-à-dire à des modifications de l'information génétique codée par la molécule. Certains changements dans l'information génétique des cellules somatiques (mutations ponctuelles et/ou réarrangements chromosomiques) sont une cause première de transformation maligne des cellules. L'accumulation de ces altérations dans des gènes importants qui jouent un rôle dans le maintien de l'intégrité cellulaire, tel le contrôle du cycle cellulaire, la réparation et l'apoptose, peut entraîner la multiplication anarchique de cellules anormales et la formation d'une tumeur. Afin d'expliquer la relation qui existe entre les dommages à l'ADN, les mutations et la formation des tumeurs, on se fonde sur la théorie de la mutagenèse somatique énoncée par Thilly en 1983 [2] puis amé-liorée par Holmquist et Gao en 1997 [3]. Cette théorie tente de pré-dire la probabilité qu'a un dommage causé par un agent mutagène d'aboutir à la transformation maligne d'une cellule. Plusieurs facteurs interviennent successivement dans la mutagenèse somatique : (1) la fréquence des dommages, (2) la vitesse de leur réparation, (3) le comportement de la polymérase lors de la réplication de l'ADN endommagé et (4) la sélection des mutations « avantageuses » (Figure 1). > La théorie de la mutagenèse somatique indique que la transformation maligne des cellules est intimement liée à la formation de dommages à l'ADN et au risque que ces derniers puissent mener à des mutations favorables à la croissance cellulaire anarchique. Elle énonce le lien logique qui associe le cancer à l'exposition à des agents génotoxiques. Les spectres de mutations, notamment dans le gène p53, recensent les mutations dans un type de cancer donné en fonction de leur position nucléotidique. Les positions les plus fréquemment mutées sont différentes selon les cancers et reflètent donc la signature du ou des agents mutagènes qui en sont à l'origine. La technologie LMPCR (ligation-mediated PCR) permet de cartographier au niveau nucléotidique les sites les plus fréquemment endommagés par un agent génotoxique donné. Ainsi, on a la possibilité de chercher une corrélation entre ces sites fréquemment endommagés et les sites fréquem-ment mutés dans un type de cancer. Cela a été notamment appliqué pour confirmer à l'échelle moléculaire le lien étiologique reliant une exposition aux UVB au cancer de la peau, ainsi que celui qui s'établit entre plusieurs substances de la fumée de tabac et le cancer du poumon. < R. Drouin : Service de génétique, Département de pédiatrie, local 1428, Faculté de médecine et des sciences de la santé,