Il est communément admis que la néolibéralisation constitue une tendance de fond dans la société contemporaine. Notre étude vise à mieux comprendre un volet de ce phénomène, à savoir comment le néolibéralisme réussit à marquer sa présence dans le processus d’élaboration des normes d’audit. Particulièrement, nous examinons la nature des réponses reçues de la part des participants à une démarche de consultation enclenchée par le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB) des États-Unis, pour recueillir les avis d’acteurs concernés par l’adoption éventuelle de la rotation obligatoire des cabinets d’audit. La vaste majorité des répondants s’est exprimée en défaveur de cette proposition. Notre démarche analytique était orientée selon trois dimensions « classiques » de la pensée néolibérale, à savoir la nécessité de procéder à une analyse coûts-avantages avant d’adopter toute nouvelle norme, la volonté de ne pas entraver le processus d’accumulation du capital et, enfin, la promotion de la concurrence dans les marchés. Nos résultats indiquent que ces trois dimensions sont souvent évoquées dans les commentaires des opposants à la rotation. Or, nous faisons valoir que cette forte concordance est révélatrice d’acteurs adhérant, significativement, à la logique néolibérale. En somme, notre étude permet d’appréhender la démesure concernant l’influence du néolibéralisme dans le champ de l’audit. Il semble que la logique professionnelle ne pèse pas bien lourd lorsque vient le temps d’argumenter et de prendre position quant à un projet de normalisation qui vise à renforcer l’indépendance des auditeurs. Il est permis de s’en inquiéter et, pour pouvoir mieux réfléchir à la portée et aux implications de nos résultats, nous concluons cet article en mobilisant certains axes de questionnement phronétique, tels qu’élaborés par Flyvbjerg (2001).