Penser les arts vivants depuis et avec la matière, en l'appréhendant, non plus seulement du point de vue de ce qu'elle signifie (montre, représente, évoque, symbolise), mais de ce qu'elle fait-à celles et ceux qui jouent et/ou sont en contact avec elle ; à ces milieux d'extraction et de circulation ; à l'histoire, à l'esthétique et à l'épistémologie des arts de la scène : tel est le propos de ce huitième dossier de la revue Agôn. Les matières du théâtre Si la qualification de spectacle « vivant » invite en général à se concentrer sur la présence et les relations des êtres humains qui y participent (artistes, techniciens, administratifs, spectateurs…), on sait bien qu'un spectacle (de théâtre, de danse, de cirque, de marionnettes…) ne se conçoit pas indépendamment de la matière-à commencer par celle qui constitue les décors, les objets, les agrès 1 , les costumes, mais aussi, celle dont sont faits les espaces (dédiés ou aménagés) dans lesquels une oeuvre se joue et depuis lesquels elle est vue. Les pigments et les fleurs, le bois et la pierre En Grèce ancienne, les rares textes qui parlent de la naissance du théâtre au VI e siècle avant J.-C. ne s'attachent pas tant à la composition dramatique qu'aux origines matérielles du jeu scénique : le geste premier qui aurait permis au « proto-poète » Thespis d'inventer les représentations théâtrales aurait été de s'enduire le visage d'une couche de blanc de céruse, pigment d'origine minérale, puis de fleurs de pourpier multicolores, avant de mettre au point les premiers masques en toiles de lin fin : ces Les arts vivants depuis et avec la matière : perspectives historiques, esthét...