Depuis l'instauration et les prolongations de l'état d'urgence en France dès novembre 2015, puis le mouvement contre la « Loi travail » au printemps 2016, la question des violences policières est fortement médiatisée et politisée. Mais les violences des forces de l'ordre et leurs dénonciations sont loin d'être un phénomène récent. Dès les années 1960, des mobilisations émergent contre ces violences, principalement à l'encontre des travailleurs immigrés des anciennes colonies françaises et de leurs enfants. Dans les années 1970, des mobilisations dénoncent les violences policières touchant les jeunes héritiers de l'immigration post-coloniale habitant les cités de banlieues, et dans les années 1980 une nouvelle génération de militant-e-s dénonçant les « crimes racistes et sécuritaires » émerge, notamment lors de la Marche pour l'égalité et contre le racisme de 1983. À partir des années 1990, ces mobilisations connaissent une plus forte médiatisation et politisation. On retrouve alors souvent un même schéma : après la mort d'un habitant de cité (souvent « jeune », homme, héritier de l'immigration post-coloniale), des rébellions éclatent, s'en prenant aux forces de l'ordre et en brûlant des bus, des voitures, des écoles ou des bibliothèques, dénonçant par-là tant des rapports conflictuels entre les forces de l'ordre et les « jeunes » faisant l'objet de contrôles policiers réguliers, que des injustices ressenties et vécues par les franges les plus précarisées des classes populaires vivant dans ces cités. Des familles de victimes de violences policières et des militant-e-s des quartiers populaires mettent aussi en place d'autres modes d'action (manifestations, sit-in, créations de comités de soutien, de collectifs ou d'associations, actions en justice) et tendent à engager une mobilisation sur le temps long. Si ce n'est pas toujours le cas, des travaux ont montré qu'il pouvait y avoir une continuité d'acteur-rice-s d'un mode d'action à l'autre 2. Si principalement les mobilisations contre les violences des forces de l'ordre émergent ainsi dans les quartiers populaires, d'autres organisations, ne trouvant pas leur genèse directement dans ce schéma, incluent dans leur mobilisation la dénonciation des déviances violentes des forces de l'ordre, telles que des organisations des quartiers populaires, des organisations antiracistes, des organisations d'extrêmegauche, ou des organisations de défense des droits de l'homme. L'ensemble de ces dénonciations d'un usage de la violence physique par les forces de l'ordre forme ce que l'on peut désigner un espace de mobilisations contre les violences des forces de l'ordre, dans la mesure où elles 1 Doctorant en science politique (ISP-Paris Nanterre / Centre Marc Bloch-Saisir l'Europe) 2 Dossier « Dammarie-les-Lys : les militants de l'incertitude », Vacarme, n°21, automne 2002 ; Hajjat, A., « Rébellions urbaines et déviances policières. Les "jeunes" des Minguettes face à la police (1981-1983) », Cultures & Conflits, 2014
L’article prend pour objet la commission d’enquête sur les pratiques policières de 2001-2002 comparée avec des commissions et des observatoires créés par la Ligue entre 2013 et 2019. En s’intéressant à la formation de ces actions collectives ad-hoc , l’auteur tente de comprendre les logiques sociales de l’engagement de la LDH contre les violences policières.
Plusieurs travaux sur la relation entre police et démocratie montrent comment, à la fois, le droit encadre et contraint l’usage de la violence par la police, et que le fonctionnement même des institutions policières, judiciaires et politiques offre à la police des normes d’usage de la violence en marge du droit. Même s’il arrive que des policiers et des policières soient jugées et condamnées, des victimes et des collectifs militants dénoncent une « impunité » policière et un manquement de l’État de droit — perçu comme garant de la démocratie — en matière de traitement des violences policières par la justice. À partir de l’observation du procès en appel du policier Damien Saboundjian à la cour d’assises de Paris en 2017, nous nous interrogeons sur la décision improbable qui a été prise au sein du tribunal : remettre en question la version du policier accusé et la légitimité de son usage de la violence. L’article émet l’hypothèse suivante : la condamnation, même exceptionnelle, repose sur la rupture d’un équilibre des rapports de force entre la justice et la police au sein d’une configuration spécifique qu’est le procès d’un membre de la police.
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