L’article présente une analyse sociologique empirique des effets de la privation de la liberté sur la violence carcérale, privation entendue non dans une perspective positiviste, mais dans une perspective de philosophie politique qui vise à ne pas dissoudre la question de la liberté dans les différents déterminismes que la sociologie a pour vocation d’identifier. La violence est appréhendée au lieu du rapport sociopolitique aux détenus, soit un rapport sécuritaire fondé sur la peur et sur l’absence d’un espace commun d’action et de parole.
La prison est une organisation et comme telle, elle est le lieu de la confrontation classique entre règles formelles et règles informelles. Cette opposition formel-informel prend un intérêt nouveau lorsqu'on se souvient d'une part que la prison est censée être gouvernée par la loi, que les surveillants sont supposés être porteurs de cette loi et d'autre part qu'elle est structurée autour d'un rapport de forces.
A partir d'une recherche fondée sur l'observation et sur des entretiens nombreux c'est la négociation et l'articulation des règles officielles et de règles non-écrites dans le fonctionnement des prisons qui est analysée. On montre que le travail des surveillants est pour une part considérable un travail de relation qui correspond à une attente implicite essentielle de la hiérarchie, c'est-à-dire maintenir l'ordre et le calme. On observe alors une contradiction centrale entre une logique bureaucratique qui suppose une soumission à la règle uniforme et une logique de maintien de l'ordre qui, elle, suppose un minimum d'autonomie. Les surveillants sont donc amenés à produire leurs propres règles. Dans le cadre de la théorie de la régulation conjointe, les règles des surveillants renvoient à une régulation d'autonomie pour tenir leur propre régulation autonome. Si on tient compte des régulations de la hiérarchie elle-même on peut aboutir à ce que certains interactionnistes ont appelé un ordre négocié.
scite is a Brooklyn-based organization that helps researchers better discover and understand research articles through Smart Citations–citations that display the context of the citation and describe whether the article provides supporting or contrasting evidence. scite is used by students and researchers from around the world and is funded in part by the National Science Foundation and the National Institute on Drug Abuse of the National Institutes of Health.