Identité nationale et littérature autobiographique : La réception allemande des journaux intimes de Victor Klemperer.
L’analyse de la réception allemande des journaux intimes de Victor Klemperer écrits entre 1933 et 1945, Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten (Je veux témoigner jusqu’au bout), est au centre de cette contribution. Dans ce cadre, l’intérêt de la contribution sera triple : premièrement, la discussion sur Goldhagen et Klemperer en Allemagne sera traitée ; deuxièmement, la représentation des journaux de Klemperer dans l’historiographie et la critique littéraire allemandes sera abordée ; troisièmement, une analyse de la réception des journaux dans le contexte plus large de la culture littéraire allemande sera développée. Cette culture contemporaine met plus en évidence la souffrance allemande pendant la guerre avec un rapport plus distancié à l’Holocauste comme étant le moment d’identification de l’identité allemande d’après-guerre ; enfin, la relation entre «mémoire » et «identité » pour une compréhension adéquate de la réception des cahiers de Klemperer sera exposée.
dépendent de règles aléatoires et arbitraires. Il leur semble impossible d'évaluer et de prédire ce qui va leur arriver et quand.La vie quotidienne, marquée par une dépossession progressive à plusieurs niveaux, dont les diaristes essaient de retenir le caractère éphémère dans leurs notes, est en même temps soumise à une angoisse existentielle permanente. Dans ce contexte, le quotidien représente un endroit dans lequel on retrouve la sécurité et l'ordre auxquels on aspire tant, mais qui peut néanmoins être frappé soudainement par la mort. Dans leurs journaux, Klemperer et Cohn représentent la suspension des repères familiers de la vie de tous les jours et de l'état normal. Cette peur abroge toute évidence ou tout sentiment naturel de la réalité vécue. Dans le deuxième volume de leur étude sociologique Strukturen der Lebenswelt [Les structures du monde vécu], Alfred Schütz et Thomas Luckmann offrent une explication phénoménologique de l'expérience de la crise existentielle, comme Klemperer et Cohn l'expriment de façon saisissante. Dans les moments de danger de mort, les prétentions à la validité universelle de la réalité quotidienne et leur indiscutable évidence sont dissoutes : « C'est bien l'angoisse fondamentale […] qui, dans les graves crises de la vie, motive la remise en question du quotidien. Au moins provisoirement, la réalité quotidienne dans toutes ses convenances est mise entre parenthèses » 2 . Selon Hannah Arendt, la terreur imprévisible, qui tient dans sa main la vie des victimes du totalitarisme, est l'essence même du pouvoir totalitaire 3 . En effet, la peur permanente met fin à la spontanéité et semble transformer les êtres humains en une chose qui, dans des conditions identiques, se comportera toujours de la même manière 4 .Avec cette contribution, nous voulons montrer comment la caractéristique principale de la terreur telle qu'elle est représentée dans les journaux de Klemperer et Cohn consiste précisément dans le fait que la spontanéité humaine est détruite. Les deux auteurs concernés deviennent de ce fait des objets vulnérables qui doivent se plier à la cruauté des caprices du régime. La réaction est de se retirer. Les deux diaristes essaient de réorganiser leur vie à leur domicile qui leur semble le dernier refuge dans un monde de terreur.
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