Sac à vin, oeil de chien, coeur de cerf ! » L'Iliade s'ouvre, comme chacun sait, sur un torrent d'injures proférées par Achille à l'encontre d'Agamemnon qui l'a privé de sa part de butin -la belle Briséis. Loin d'être anecdotique, ce déchaînement verbal permet de poser, en guise de préambule, une série de questions fondamentales sur le rôle des paroles menaçantes dans le monde grec archaïque et classique 1 . 2Pour commencer, cette séquence inaugurale met en lumière la dimension processuelle du sujet. Car les paroles menaçantes n'éclatent jamais comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais s'inscrivent toujours dans des cycles d'actions et de réactions plus ou moins longs. En l'espèce, si le poème commence avec la fureur (mènis) d'Achille, cette colère en renvoie à d'autres en miroir et, en premier lieu, au courroux d'Apollon, outragé par le sort réservé à son prêtre Chrysès (v. 43 et 74), dont la fille Chryséis est tenue captive par Agamemnon. C'est là le début d'un cycle infernal : tandis que la mort rôde dans le camp achéen, le devin Calchas révèle à Agamemnon les raisons de la colère divine (v. 101 sq.). Le roi se sent outragé par ces paroles de mauvais augure, qu'il interprète comme des injures faites à son honneur (timè). Saisi par la colère, Agamemnon décide alors d'humilier Achille, son meilleur combattant, en exigeant qu'il lui donne sa propre captive, Briséis, de manière à compenser le renvoi de Chryséis à son père. C'est là que vient s'intercaler le flot d'insultes lancées contre Agamemnon par Achille qui fait ensuite le « grand serment » (mega horkos) de ne plus combattre dans les rangs des Achéens. Dans cette séquence, l'insulte apparaît donc comme un élément parmi d'autres dans un long cycle de « réciprocité négative », pour reprendre le vocabulaire cher aux anthropologues 2 .Paroles menaçantes et mots interdits en Grèce ancienne : approches anthropolo...
Cette enquête historique sur les conflits familiaux s’appuie sur des sources antiques longtemps envisagées isolément, le théâtre, les plaidoiries judiciaires et les élaborations philosophiques de l’époque classique athénienne. De Médée mère infanticide au tyran platonicien incestueux, de Socrate responsable de l’émancipation des fils athéniens à Démosthène le pupille spolié, du fiston comique dépensier à la jeune fille héritière délaissée, le conflit familial est un motif récurrent dans la cité démocratique. Conjugalité, fraternité, consanguinité, parentalité, autant de relations qui, interrogées au prisme du conflit, mettent en lumière l’irréductibilité et la fragilité des liens familiaux. Les violences familiales, refoulées et dénoncées, futiles et meurtrières, divines et si humaines, déchirent l’harmonie du foyer athénien mais aussi l’édifice civique. Dans l’Athènes classique, la frontière entre mœurs privées et comportement politique demeure très ténue ; le tyran est pensé autant comme un fléau pour ses proches parents qu’un désastre pour la communauté citoyenne. Menace pour la parenté, germe redouté de la stasis, cette guerre intestine politique, le conflit familial est encadré par une législation qui tente de protéger avant tout les géniteurs et les mineurs contre l’ingratitude des rejetons et la cupidité des tuteurs. Face à un droit criminel athénien qui, à l’image de l’optimiste Solon, n’a pas souhaité légiférer sur les assassinats intrafamiliaux, seuls les poètes tragiques et Platon ont stigmatisé l’horreur criminelle du meurtre entre soi. Les coupables versant le sang de leurs proches deviennent alors des justiciables exemplaires, ainsi Oreste poursuivi par la fureur des Erynies maternelles ou le tyran fratricide écorché par un buisson d’épineux infernaux. Politique, juridique, psychologique et anthropologique, l’étude des conflits familiaux offre un tableau étonnant du fonctionnement de la parenté grecque.
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